Justice
Nouveau revers judiciaire pour l’ancien chef du service urologie du CHU d’Angers
Le tribunal administratif de Nantes a de nouveau désavoué l’ancien chef du service urologie du centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers (Maine-et-Loire) qui entendait faire annuler la « suspension » dont il avait fait l’objet en décembre 2019, trois mois après s’être vu retirer ses fonctions de chef de service.
Pour rappel, le Pr Abdel-Rahmène Azzouzi, qui avait démissionné du conseil municipal d’Angers en 2015 en raison de la « politique islamophobe de l’Etat français », avait déjà tenté de faire annuler la décision du centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers (Maine-et-Loire) qui avait mis fin à ses fonctions de chef du service urologie en septembre 2019, en vain, puis cette même juridiction l’avait déjà désavoué le 19 juillet 2023.
Cette mise à l’écart avait à l’époque été décidée après le jugement du tribunal correctionnel d’Angers, qui l’avait condamné le 18 juillet 2019 à 15.000 € d’amende pour « harcèlement sexuel » sur une secrétaire médicale de son service. Chef de service depuis 2009, l’urologue – qui exerce désormais à la clinique privée Saint-Jean de Coutances (Manche) – avait donc été démis de ses fonctions. Puis, trois mois plus tard, le 6 décembre 2019, la directrice générale du CHU d’Angers l’avait « suspendu à titre conservatoire » de ses fonctions hospitalières et thérapeutiques. La légalité de cette seconde décision a donc été examinée par le tribunal administratif de Nantes lors de l’audience du 14 décembre 2023.
En fait, « le directeur d’un centre hospitalier qui (…) exerce son autorité sur l’ensemble du personnel de son établissement peut légalement, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d’un praticien hospitalier (…), à condition d’en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné », dit le code de la santé publique.
UN « REJET DE TOUTE FORME DE COLLEGIALITE »
Le Pr Azzouzi réclamait cette fois encore 10.000 € au CHU pour ses frais d’avocat : cette suspension avait été « insuffisamment motivée » et était entachée d’un « détournement de pouvoir » car elle avait été prise « à la suite de plaintes pénales qu’il a déposées contre la directrice générale du CHU d’Angers et contre l’établissement ». Pour lui, « ni la mésentente au sein du service, ni aucun autre évènement n’ont mis en péril la continuité du service ou eu une quelconque incidence sur la sécurité des patients ».
Mais cette décision s’est fondée sur « la pratique et le comportement de l’intéressé dans le cadre de ses fonctions » qui étaient « susceptibles de porter atteinte à la continuité du service et à la sécurité des patients », recadre le tribunal administratif de Nantes dans un jugement en date du 11 janvier 2024 qui vient d’être rendu public.
« La contestation », par le Pr Azzouzi, de « l’autorité du nouveau chef de service d’urologie » ainsi que « son absence de participation aux réunions de service et aux « staffs » », son « absence de communication avec les autres médecins du service » et le « rejet de toute forme de collégialité » – y compris « s’agissant des patients relevant de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) » – avaient en fait fondé cette décision.
D’autre part, l’urologue avait proféré « des menaces » et eu des « accès de violence » ce qui avait eu pour conséquence d’accroitre « le stress des personnels » et de « faire peser un doute » sur sa capacité à « disposer de la maîtrise de soi indispensable à l’exercice de ses fonctions », détaillent les juges administratifs, qui pointent aussi « les conflits éthiques » qui ont découlé de l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés.
IL INSULTE UN PATIENT… SOUS ANESTHESIE LOCALE
Le Pr Azzouzi s’était en fait montré « menaçant » à « plusieurs reprises » envers son successeur, « verbalement mais également par écrit ». Le 14 mai 2019, il avait aussi remis en cause son « autorité » devant « des étudiants » et « en présence du personnel médical et paramédical ».
Deux mails adressés par le nouveau chef de service à la direction du CHU les 27 août et 9 octobre 2019 ainsi qu’un autre « émanant d’un médecin interne du service » ont été transmis au tribunal administratif : les juges ont ainsi pu constater que « les dossiers des patients du Pr Azzouzi ne passaient plus en RCP » et qu’il prenait « ses décisions seul » et « souvent contre l’avis de ses collègues ».
Entre le 10 et le 12 août 2019, il avait aussi « refusé d’intervenir pour repositionner la sonde d’un patient opéré la veille » : l’un de ses collègues qui ne travaillait pas avait dû se déplacer. Un autre patient avait pour sa part été « insulté » pendant qu’il était « sous anesthésie locale », comme l’avaient confirmé un interne et un infirmier de bloc. La famille du patient avait d’ailleurs adressé « un courrier de plainte » à la direction du CHU d’Angers.
UN « CONFLIT OUVERT »
Son « manque de communication » avec ses collègues s’était aussi traduit, « à plusieurs reprises », par des « déprogrammations » ou des « programmations d’interventions chirurgicales non prévues », entraînant ainsi « la désorganisation du service ».
Enfin, et avant de prendre cette décision, la direction avait « saisi la cellule de gestion des conflits » et diligenté une enquête administrative qui avait aussi pointé les éléments reprochés.
L’existence de ce « conflit ouvert » avec le nouveau chef de service, son « comportement », la « souffrance au travail des internes mis en difficulté lors des astreintes » par son comportement et ses « choix thérapeutiques » et « décisions (…) isolées » et les « déprogrammations » d’opérations constituaient donc bien « des circonstances exceptionnelles » qui justifiaient cette suspension, en concluent les juges nantais.
Lors d’une précédente audience du 5 juillet 2023, l’avocate du CHU avait convenu que l’établissement avait dû prendre cette « décision très pénible et très triste » eu égard au parcours « assez exceptionnel de ce médecin »./GF et CB