Justice

Désaveu judiciaire pour le septuagénaire de Trélazé qui voulait voir son nom radié du registre des baptêmes

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Le Conseil d’Etat a désavoué le président de la fédération départementale de la Libre Pensée de Maine-et-Loire – une association liée à la franc-maçonnerie qui assimile les religions aux « pires obstacles à l’émancipation de la pensée » – qui voulait que le diocèse d’Angers efface son nom du registre des baptêmes au nom de la protection des données personnelles.

Michel Godicheau avait précisément saisi la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) le 15 février 2020 suite au refus que lui avait opposé l’association diocésaine d’Angers. Mais le 2 décembre 2021, la CNIL avait clos sa plainte : « aucun des motifs » qu’il invoquait pouvait justifier un effacement, selon elle. Le septuagénaire de Trélazé (Maine-et-Loire) s’était donc tourné vers le Conseil d’Etat.

« La CNIL (…) dispose d’un large pouvoir d’appréciation et peut tenir compte de la gravité des manquements allégués (…), du sérieux des indices, (…) du contexte (…) et plus généralement de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge », commence par recadrer la plus haute juridiction administrative française dans un arrêt en date du 2 février 2024 qui vient d’être rendu public.

« Toutefois, lorsque l’auteur de la plainte se fonde sur la méconnaissance (…) des droits garantis par la loi à l’égard des données à caractère personnel (…), le pouvoir d’appréciation de la CNIL (…) s’exerce (…) sous l’entier contrôle du juge », rappelle le Conseil d’Etat.

DES « DONNEES SENSIBLES », CONVIENT LE CONSEIL D’ETAT

« Les données qui révèlent les convictions religieuses d’une personne sont (…) des données sensibles dont le traitement est, en principe, interdit », poursuit-il. « Par exception, leur traitement est autorisé (…) s’il est effectué (…) par [un] organisme à but non lucratif poursuivant une finalité (…) religieuse (…) à condition que le traitement se rapporte exclusivement aux membres ou aux anciens membres dudit organisme (…) et que les données (…) ne soient pas communiquées en dehors de cet organisme sans le consentement des personnes. »

En l’occurrence, dans ce dossier, « les registres des baptêmes tenus par l’Eglise catholique sont destinés à conserver la trace d’un événement qui, pour elle, constitue l’entrée dans la communauté chrétienne », rappelle le Conseil d’Etat. « Le baptême, qui est la condition requise par l’Eglise catholique pour accéder notamment au mariage, ne peut être reçu (…) qu’une seule fois dans la vie d’une personne. »

Cette « exigence » peut donc faire « obstacle à l’effacement » du nom d’un baptisé dans les registres diocésains « dans l’hypothèse où l’intéressé, après avoir obtenu cet effacement, souhaiterait réintégrer la communauté chrétienne et notamment se marier religieusement ».

« La personne baptisée qui entend faire valoir sa volonté de renoncer à tout lien avec la religion catholique peut obtenir que soit apposée sur le registre (…) une mention en ce sens », rappellent par ailleurs les magistrats administratifs.

DES DONNEES VERSEES AUX ARCHIVES DEPARTEMENTALES… AU BOUT DE 120 ANS

Les registres des baptêmes sont aussi « des documents non dématérialisés », dont les données « ne sont accessibles qu’aux intéressés (…) ainsi qu’aux ministres du culte (…) aux seules fins du suivi du parcours religieux », relativise le Conseil d’Etat. « Ces données ne sont pas accessibles à des tiers, et les registres sont conservés dans un lieu clos avant d’être versés aux archives départementales au terme d’un délai de 120 ans. »

Ces mentions ne constituent donc pas un « traitement illicite » au regard du Règlement général sur la Protection des Données (RGPD) et leur conservation est « nécessaire au regard des finalités » de leur traitement, considèrent les juges. « L’intérêt qui s’attache, pour l’Eglise catholique, à la conservation des données (…) doit être regardé comme un motif légitime impérieux, prévalant sur l’intérêt moral du demandeur. »

L’arrêt, qui a intégré la « base de jurisprudence » du Conseil d’Etat, peut encore être contesté devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Mais, dans l’immédiat, la décision autour de cette « querelle de bénitiers » est d’ores et déjà commentée par les avocats en droit public.

« Il est loisible à un catholique (…) de demander à se faire « débaptiser », mais du point de vue de l’Eglise un baptême ne peut s’effacer », résume ainsi le « blog juridique du monde public » du cabinet d’Eric Landot. Pour rappel, Michel Godicheau s’était déjà exprimé dans la presse locale en 2018 suite à la volonté du gouvernement d’amender la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat./GF

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