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Nestlé en pleine tempête Buitoni : Analyse de la crise

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Nestlé enchaine les mêmes erreurs que Lactalis face à la crise du lait infantile contaminé. Manque de réactivité, de transparence, et de mobilisation, stratégie du déni (« Il n’existe aucun lien avéré entre nos produits et les intoxications survenues ») puis du doute (« Nestlé a mené 75 prélèvements sur la ligne de fabrication concernée et dans toute l’usine, « tous négatifs » ) … toutes les cases d’une gestion de crise ratée sont cochées par le géant suisse alors que les plaintes se multiplient.

Après la publication, par RMC, d’images et de témoignages choc d’anciens salariés de l’usine Buitoni de Caudry (Nord) où sont produites les pizzas de la gamme « Fraich’Up » et alors que les autorités sanitaires l’accusent d’être à l’origine de l’intoxication à la bactérie E.Coli de dizaines d’enfants et de la mort de deux d’entre eux, le Groupe Nestlé, l’une des plus grandes entreprises agroalimentaire du monde, n’est pas à la hauteur des exigences élémentaires de la communication de crise dont les six marques stratégiques mondiales Nestlé, Nescafé, Nestea, Maggi, Buitoni et Friskies représentent 70% des ventes du Groupe.

L’attitude de la marque est tellement éloignée des standards de la gestion de crise, que l’annonce par le parquet de Paris de l’ouverture d’une enquête pour tromperie sur une marchandise, vente de produits alimentaires corrompus ou falsifiés et nuisibles pour la santé, mise en danger d’autrui, blessures et homicides involontaires, homicides involontaires ne surprend pas. C’est désormais une communication sous contrainte judiciaire que la marque devra déployer afin de maitriser le risque réputationnel.

41 enfants présentent aujourd’hui des syndromes hémolytiques et urémiques, tandis que 34 autres cas nécessitent encore des investigations. Les victimes sont toutes des enfants âgés de 1 à 18 ans et deux eux ont trouvé la mort.

Avec ce bilan humain dramatique qui s’aggrave, le géant Nestlé traverse la période la plus difficile de son histoire centenaire.

L’entreprise a mal géré la crise contrairement à d’autres géants internationaux, dont le français Perrier et l’américain Johnson&Johnson (Tylenol) qui ont survécu à des dérapages par le passé grâce à une communication de crise adaptée.

La crise sera coûteuse pour les assurances du géant et pour sa valeur boursière qui risque d’être brutalement amputée compte tenu des erreurs de communication insusceptibles de rassurer ses publics et les familles qui attendent légitimement des réponses précises.

Pour Nestlé, il s’agit de la pire crise de son histoire centenaire.

Les coûts immédiats de cette crise peuvent représenter plusieurs dizaines de millions d’euros supportés par les assurances de Nestlé en gestion de la crise comme en réparations des préjudices causés.

Comment les assurances vont-elles réagir alors que l’attitude de Nestlé a sans doute déjà contribué à aggraver les conséquences de la crise et donc le dommage à indemniser ?

Mais cette estimation ne comprend que les frais du rappel et de la destruction des pizzas à risque, ainsi que la fermeture temporaire et le nettoyage complet de l’usine sans compter l’accompagnement des victimes et de leurs familles.

L’usine de Nestlé rouvrira à n’en pas douter. Mais, compte de la communication de crise peu maitrisée, qui voudra de ses produits, et de tous les autres étiquetés Fraich’up ?

Par ailleurs, quels seront les dommages de cette crise de la marque Nestlé aux yeux des consommateurs et des investisseurs ? Et même envers la majorité de ses produits qui n’ont rien à voir avec l’usine contaminée de Buitoni ?

C’est en étant ouverts et transparents pour corriger la situation de crise qu’un industriel permet à ses consommateurs de voir ses efforts et qu’il regagne la confiance envers sa marque. Chacun sait qu’il n’y a pas de consommation sans risque mais chacun a besoin d’être assuré que tout est mis en œuvre par l’industriel pour identifier et lutter contre la réalisation de ces risques.

Un modèle d’anti-Gestion de crise

L’entreprise a réagi au-deçà de ce qu’elle était tenue de faire jusqu’à maintenant. Comment les consommateurs le verront-ils ? Certains craindront le risque et décideront d’éviter les produits Nestlé.

Les lacunes observées dans la gestion de la crise de Buitoni sont stupéfiantes. Le géant de l’alimentation Nestlé aurait évidemment dû mieux gérer la crise provoquée par la présence d’e-coli dans ses pizzas. Est-ce lié à une identification défaillante des risques ? Est-ce lié à un manque d’anticipation de la crise ? Est-ce lié à des exercices irréguliers de gestion de crise ?

Une des règles de base quand survient un cas de contamination est de réagir rapidement, ce que n’a étonnamment pas fait Nestlé dans cette affaire.

Ce sont les autorités de santé (DGS, Santé publique France et la DGCCRF) qui, compte tenu de l’attitude communicationnelle de l’industriel, ont été contraintes de sortir le lien entre la consommation des pizzas et l’état de santé des jeunes victimes. Nestlé zéro, alors que la meilleure façon de gérer une crise, c’est d’agir, pas de réagir. Dans ce cas-ci, l’entreprise n’a pas été proactive.

Jamais Christophe Cornu, PDG chez Nestlé France, n’est apparu devant les médias, par exemple. La vie d’enfants ne méritait-elle pas la mobilisation au sommet de l’entreprise ?

On a ici ce qui a semblé devenir une crise dans la crise. On a eu le sentiment que Nestlé essaie de préserver le plus haut dirigeant le plus longtemps possible parce qu’après lui, il n’y a plus personne pour intervenir. Ne pas faire intervenir le PDG c’est laisser naitre dans l’opinion publique le sentiment que l’entreprise sous-estime la gravité de la crise ou que le pire est à venir. Michel-Edouard Leclerc et Guillaume Pepy dont les Français ont apprécié l’attitude pendant les crises, incarnent un modèle plus vertueux que celui de Nestlé.

Chacun peut aussi déplore la lenteur d’un rappel élargi afin de rassurer les consommateurs. La perte potentielle de produits sains n’est-elle pas moins grave que la vente de produits contaminés ?

Autre mauvais point. Nestlé n’a pas reconnu dès le départ qu’il y avait un problème. Ça coûte nettement moins cher de faire ça que d’essayer de glisser le problème sous le tapis.

Il vaut mieux perdre son argent que perdre sa réputation. La réputation est l’un des actifs les plus précieux d’une entreprise.

Nestlé n’a pas reconnu sa responsabilité dès le début sans doute pour ne pas s’exposer ainsi à des poursuites ce qui est une grave erreur stratégique car on peut gagner un procès devant les tribunaux et le perdre devant l’opinion publique, et inversement.

La crise n’est pas terminée et pourrait bien s’amplifier dans les prochains jours. Ils vont maintenant devoir bien encadrer les victimes.

Il existe aussi un risque de crise par amalgame. D’autres entreprises du secteur, les concurrents de Nestlé, pourraient être affectées si les consommateurs décident de renoncer à toutes les pizzas surgelées.

Par Florian Silnicki, Expert en stratégies de communication de crise, Président Fondateur de l’agence LaFrenchCom et membre fondateur du réseau CCNE (Crisis Communications Network Europe )

Et Julien Auffret, Directeur Général de l’agence LaFrenchCom,

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