Citoyenneté

A Angers, les maraîchers occupent bars et salons de coiffure

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Credit AM – un samedi matin à Angers , distribution des colis « Bio » pré-commandés avec l’appui du Bar-tabac de la Place Molière.

Privés de marchés, les maraîchers investissent bars et salons de coiffure d’Angers (Maine-et-Loire) pour y écouler carottes, radis et asperges, qu’ils ne pourraient pas vendre autrement en période de confinement. Une initiative saluée par les habitants.

Sarah, 39 ans, foulard bleu et lunettes, sort avec deux lourds cabas du salon de coiffure « F. Rocher », transformé pour l’occasion en dépôt de fruits et légumes dans le cadre de l’opération « Adopte un maraîcher ».

« J’étais enchantée de découvrir cette initiative. C’était un choc d’apprendre que les marchés ne pouvaient plus se tenir car je ne vois pas en quoi il y a plus de risque de se faire contaminer sur un marché en plein air que dans un hypermarché », remarque-t-elle, en montrant ses provisions de poireaux, oignons, choux fleurs et persil.

Le 27 mars, à la suite des annonces du Premier ministre, le préfet du Maine-et-Loire René Bidal a interdit les marchés alimentaires dans les grandes villes du département, estimant que « la promiscuité des chalands sur les lieux publics ouverts » y était « difficile à contrôler et à interdire ».

La municipalité d’Angers a alors contacté des commerçants pour leur proposer d’ouvrir leurs boutiques et d’accueillir des producteurs locaux. Une trentaine de volaillers, crémiers ou maraîchers participent désormais à l’opération. « On invente des formes de circuits courts, de lieux de proximité qui permettent à la fois aux producteurs de pouvoir survivre et aux Angevins d’avoir des alternatives », explique le maire d’Angers Christophe Béchu.

Asperges et tireuses à bière font bon ménage ! 

Pour Jules Viémont, 30 ans, la transition a été aisée. « Une cliente est venue nous proposer son salon de coiffure pour qu’on puisse vendre nos légumes », explique-t-il, la bouche cachée par un masque en forme de bec de canard.

En ce mercredi matin, le salon, situé à seulement quelques centaines de mètres de la place du marché, ne désemplit pas: une queue d’une vingtaine de personnes s’étend le long du trottoir. « Aujourd’hui, on aura vu le nombre de clients qu’on voit sur un marché habituel », se félicite-t-il. « Tout le monde est ravi de pouvoir aider les agriculteurs. Il y a un côté militant de nos clients qui préfèrent venir nous voir qu’aller dans une grande surface », dit-il.

Le réaménagement du salon de coiffure a demandé un peu de travail. Des cagettes de céleris raves sont stockés entre des lavabos et des fauteuils. Mais les gestes barrières sont respectés avec pas plus de trois clients à la fois dans la boutique.

Même chamboulement au bar La Civette, où des œufs et des étals de pommes et d’asperges s’alignent devant les tireuses à bière. « C’est de mon devoir de pouvoir aider », explique le propriétaire Pierrick Mardelay, 47 ans, qui ouvre son établissement « gracieusement » deux jours par semaine et en profite pour vendre quelques paquets de cigarettes.

« Sans ça, on aurait mis la tête sous l’eau », reconnaît Cindy Botto, 22 ans, exploitante des Vergers de Séné, qui dit avoir été « super bien accueillie » par le gérant du bar.

Les clients arrivent au compte-goutte dans cette rue piétonne où la plupart des boutiques sont fermées. Lors de la première journée, une trentaine de personnes ont fait de déplacement contre « au moins 200 » sur un marché ordinaire. « Parmi nos habitués, on a beaucoup de personnes âgées, il y en a que je n’ai pas revues depuis le confinement », explique Cindy.

Jean-Pierre Gérigné, 61 ans, l’ancien exploitant en passation d’activité, qui écume les marchés depuis quatre décennies, n’en revient pas de cette « situation inédite ». « J’étais loin de penser que pour ma dernière saison, j’allais vendre des pommes dans un café », lâche-t-il.

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