Justice

Procès imminent à Angers pour l’ex-greffière de Saint-Nazaire accusée d’avoir éventé une enquête « par amour »

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club-photo_Reg’Art – Palais de Justice d’Angers

L’ex-greffière d’une juge d’instruction de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) accusée d’avoir divulgué des informations relatives à une enquête en cours à son petit ami trafiquant de stupéfiants comparaitra devant le tribunal correctionnel d’Angers (Maine-et-Loire) du lundi 15 au vendredi 19 septembre 2025.

L’ex-fonctionnaire du ministère de la Justice devra en effet répondre des délits de « révélation d’informations sur une enquête ou une instruction pour crime ou délit puni de dix ans relevant de la criminalité à une personne susceptible d’y être impliquée » et de « bris volontaire ou détournement de scellés » aux côtés de treize hommes âgés de 22 à 52 ans.

C’est une banale information judiciaire ouverte en octobre 2022 pour un trafic de stupéfiants opéré depuis novembre 2021 dans le quartier du Petit-Caporal, à Saint-Nazaire, qui avait déclenché l’affaire : le 6 juin 2023, la juge d’instruction nazairienne en charge du dossier avait en effet signalé au parquet des « éléments susceptibles de caractériser l’infraction de révélation d’informations issues d’une instruction en cours (…) par un professionnel accédant à la procédure »…

La magistrate avait en effet compris que l’un des suspects du dossier entretenait une « relation intime » avec sa propre greffière : elle lui confiait les clés de son appartement et son véhicule, au volant duquel il avait été verbalisé un mois plus tôt. Le prénom de la fonctionnaire, Marianne XXX, ressortait aussi des « sonorisations ».

CANNABIS, 1L DE VIN PAR JOUR ET MEDICAMENTS

Ce dealer – qui s’est vanté au téléphone d’avoir gagné « 89.000 € » en une année seulement – était en fait soupçonné de « tenir » le quartier de concert » avec son frère Jonas, pour des reventes à Angers et Rennes (Ille-et-Vilaine). Or, depuis que la juge d’instruction avait confirmé « aux services concernés » la tenue d’une opération d’interpellations, une « baisse significative » du « volume » et du « contenu » des échanges entre les différents protagonistes placés sur écoutes avait intrigué la magistrate.

Le 19 juin 2023, le trafic de stupéfiants avait malgré tout été officiellement démantelé et le domicile de la greffière perquisitionné. Dans le garage de Marianne XXX, les enquêteurs avaient trouvé « des produits stupéfiants » dissimulés dans un sac de sport, mais aussi « des scellés et prélèvements biologiques relatifs à des informations judiciaires ouvertes au cabinet d’instruction » de la juge. « Dissimulés derrière une malle en osier », dans sa salle à manger, ils n’avaient toutefois rien à voir avec cette affaire.

Dans la poubelle du bureau de la greffière, au tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, avaient été retrouvées une enveloppe en papier kraft contenant cinq feuilles photocopiées faisant apparaitre « des références de commissions rogatoires techniques associées à des identités, des plaques d’immatriculation et des numéros de téléphone » et « quatre feuilles vertes relatives à des informations judiciaires » concernant son petit ami, Jean-Louis XXX, dit « Tony ».

Le lendemain, la fonctionnaire de 43 ans avait donc été mise en examen et quelques semaines plus tard, l’ensemble de ce dossier hors du commun avait été remis entre les mains d’un juge d’instruction d’Angers (Maine-et-Loire), où l’affaire avait été « dépaysée ». Dès le stade de sa garde à vue, Marianne XXX avait expliqué avoir rencontré « Tony » dans le cadre de ses propres achats de stupéfiants : depuis le départ, il connaissait sa profession et s’était d’emblée mis à lui poser « beaucoup de questions »…

Depuis la mi-février 2023, il lui procurait ainsi de la drogue une fois par mois pour « 100 € ». Cette quadragénaire consommait en effet du cannabis « depuis l’âge de 16 ans » et « un litre de vin par jour » : elle était par ailleurs « addict aux anxiolytiques et à la cocaïne depuis l’âge de 20 ans »… La greffière avait d’emblée admis lui avoir révélé que « des personnes qui avaient le même nom que lui » étaient « sous surveillance de justice ». Une semaine avant l’interpellation, « Tony » lui avait dit que lui et ses complices comptaient « assumer » leurs responsabilités, mais ils avaient toutefois « besoin de plus d’informations » pour pouvoir « s’organiser » et « faire en sorte que leurs enfants ne voient pas leurs parents se faire arrêter ».

IL LUI AVAIT DEMANDE « DES ARMES SOUS SCELLES »

Marianne XXX avait donc donné « une dizaine de noms » de personnes visées par l’instruction et « fait des copies de commissions rogatoires » pour les lui donner, concernant « des écoutes » et « des géolocalisations ». Elle l’avait par ailleurs averti de la date d’interpellations, fixée au 20 juin 2023, par la juge d’instruction.

Voyant que son petit ami était convoqué dans une autre affaire de « chantage » en juillet 2023, elle lui avait « donné un dossier d’aide juridictionnelle » et souhaitait « l’aider à préparer le dossier » et lui « éviter d’aller en prison »… Chez elle, certains documents – qu’elle avait pourtant interdiction de sortir du cabinet d’instruction – étaient « utilisés comme brouillons » et « laissés à la vue de personnes qui passaient », personnes dont elle ne connaissait même pas l’identité.

Depuis, avec « le recul », la greffière a compris que cette relation n’avait existé « que par intérêt » de son compagnon. Elle avait toutefois violé le secret de l’instruction en ayant « conscience » de commettre un délit, mais « par amour ». Au total, entre le 22 février et le 10 avril 2023, « 909 contacts » avec Jean-Louis XXX ont en effet été recensés par les enquêteurs. Un jour, il lui avait par exemple demandé si elle pouvait « se procurer des armes sous scellés »…

La quadragénaire – qui officiait en tant que greffière depuis 2009 et qui vit « depuis dix ans » à Saint-Nazaire – a depuis démissionné de la fonction publique d’Etat. Dans un premier temps placée en détention provisoire, elle a été remise en liberté le 22 septembre 2023. Depuis, son contrôle judiciaire s’est déroulé « sans difficulté ».

Un psychologue a conclu qu’elle se trouvait, au moment des faits, dans un « état dépressif non traité » couplé à un « ancrage dans des conduites addictives », un « stress important », un « isolement » et « des difficultés financières ». L’ex-greffière, qui encourt jusqu’à sept ans de prison et 100.000 € d’amende, sera fixée sur son sort le vendredi 19 septembre 2025.

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