Charente-Maritime

35 minutes de chaos sur l’île d’Oléron, le récit d’un chauffard qui a semé la terreur

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Un homme a percuté volontairement plusieurs piétons et cyclistes au sud de l’île d’Oléron, une enquête a été ouverte et le suspect a été interpellé / Crédit:REUTERS/Denis Balibouse

L’île d’Oléron, habituellement paisible en cette saison creuse, s’est réveillée dans l’horreur ce mercredi 5 novembre 2025. En l’espace d’une trentaine de minutes, un automobiliste a volontairement percuté cinq piétons et cyclistes dans deux communes du sud de l’île, transformant une matinée ordinaire en un véritable cauchemar collectif. Deux victimes ont été grièvement blessées. L’auteur présumé, un homme de 35 ans, a été interpellé après avoir mis le feu à son véhicule. Derrière ce drame aux allures d’attentat, les enquêteurs s’efforcent encore de comprendre les motivations d’un homme décrit comme instable, marginal, et dont le profil reste une énigme.

Une matinée d’effroi sur les routes d’Oléron

Tout commence peu avant 9 h, sur la route touristique reliant le port de La Cotinière à Dolus-d’Oléron. À bord d’une Honda, un homme fonce délibérément sur trois personnes : joggeuses, cyclistes, passants. Puis, il poursuit sa route en direction de Saint-Pierre-d’Oléron, fauchant deux nouvelles victimes avant d’abandonner sa voiture, qu’il incendie dans une ruelle de la Poyade. Son périple meurtrier aura duré environ 35 minutes.

Sur place, c’est la sidération. Les secours affluent, les routes sont bouclées. Les blessés sont regroupés dans le gymnase de Dolus-d’Oléron, transformé en cellule de crise. Trois d’entre eux sont transférés vers l’hôpital de La Rochelle, les deux plus gravement touchés – une jeune femme de 22 ans et un cycliste de 69 ans – sont héliportés vers le CHU de Poitiers. Leur pronostic vital, un temps engagé, ne l’est plus, mais leurs blessures restent sérieuses.

La jeune femme grièvement blessée n’est autre qu’Emma Vallain, attachée parlementaire du député de Charente-Maritime Pascal Markowsky (Rassemblement national). Elle faisait son footing sur la piste cyclable de Dolus au moment du drame.

Un suspect marginal, instable et difficile à cerner

L’auteur présumé s’appelle Jean G., un habitant de Saint-Pierre-d’Oléron, installé depuis une quinzaine d’années sur l’île avec son père. Âgé de 35 ans, d’origine française et né en Dordogne, il vivait dans un mobil-home à proximité du port de La Cotinière. Ancien cuisinier et ouvrier du bâtiment, il proposait parfois à la location des terrains pour saisonniers.

Connu de la justice pour des délits mineurs, notamment des vols et des infractions routières, Jean G. ne figurait dans aucun fichier de radicalisation. Selon ses voisins, il menait une existence marginale, marquée par des problèmes d’alcool et de consommation de stupéfiants. Ses comptes sur les réseaux sociaux, peu actifs, laissaient entrevoir un homme isolé, parfois confus, sans engagement idéologique apparent.

Lors de son interpellation, il aurait crié « Allah Akbar », ce qui a conduit les autorités à envisager brièvement une piste terroriste. Toutefois, aucun élément tangible ne confirme à ce stade une motivation religieuse ou politique. Le parquet national antiterroriste (PNAT) ne s’est pas saisi du dossier, préférant observer l’évolution de l’enquête.

Une arrestation sous haute tension

Après avoir incendié sa voiture, dans laquelle les enquêteurs ont retrouvé plusieurs bonbonnes de gaz, l’homme tente de fuir. Les gendarmes utilisent un taser pour le maîtriser, puis le placent en garde à vue pour tentative d’assassinat. L’arrestation est brutale : l’individu crie, résiste, se débat.

La perquisition de son mobil-home, menée dans la soirée, révèle quelques documents à caractère religieux et des écrits personnels. Rien, pour l’instant, ne permet de confirmer une radicalisation ou une préparation d’acte prémédité à visée terroriste. L’hypothèse d’un passage à l’acte impulsif lié à une fragilité mentale est sérieusement étudiée.

Un profil psychiatrique au centre des interrogations

Jean G. n’a pas d’antécédent psychiatrique officiellement connu, mais les premiers témoignages évoquent un homme en détresse psychologique, instable, parfois violent, oscillant entre repli et agitation. L’expertise psychiatrique, actuellement en cours, devra déterminer son discernement au moment des faits et, par conséquent, sa responsabilité pénale.

Les premiers examens toxicologiques réalisés après son interpellation se sont révélés négatifs, mais l’homme aurait reconnu des consommations régulières d’alcool et de drogues dans le passé. Cette combinaison, associée à un isolement social prononcé, pourrait avoir joué un rôle déclencheur.

Une île sous le choc, entre peur et incompréhension

Sur l’île d’Oléron, la sidération est totale. Habitants, élus et commerçants peinent à assimiler qu’un tel drame ait pu se produire dans ce territoire tranquille, fréquenté pour sa douceur de vivre plus que pour ses faits divers. Les rues d’ordinaire animées ont été plongées dans un silence pesant, seulement brisé par les sirènes des secours et les hélicoptères de la gendarmerie.

Deux cellules d’urgence médico-psychologique ont été ouvertes, à Dolus et à Saint-Pierre, pour accueillir les témoins et les familles des victimes. Les habitants parlent d’un « parfum d’angoisse » et d’un « calme brisé ». Le président de la République Emmanuel Macron a exprimé sa solidarité avec les victimes et leurs proches, tandis que le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, présent sur les lieux, a salué la réactivité des forces de l’ordre.

Une enquête aux multiples pistes

L’enquête, confiée à la Section de recherches de Poitiers avec le soutien des brigades de Rochefort et La Rochelle, s’annonce longue et complexe. Les gendarmes examinent désormais les supports numériques saisis au domicile du suspect : ordinateur, téléphone, écrits personnels. L’objectif est d’éclaircir le parcours de cet homme, son état mental, ses influences et la préparation éventuelle de son geste.

Les enquêteurs cherchent à comprendre si le cri « Allah Akbar » relevait d’une conviction religieuse, d’un délire psychotique ou d’un simple écho à un imaginaire de violence désormais familier dans l’actualité.

Une île blessée mais solidaire

Sur l’île, les habitants se rassemblent, déposent des fleurs, partagent des messages de soutien. L’émotion est forte, mais la solidarité prime. Dolus-d’Oléron et Saint-Pierre, deux communes souvent séparées par la saison touristique, partagent désormais une même douleur.

Le calme reviendra peut-être sur l’île d’Oléron, mais cette journée restera gravée dans les mémoires comme celle où le paradis atlantique a vacillé. Un drame sans mobile clair, un homme perdu entre ombre et délire, et cinq vies brisées sur le bitume d’une île qui, jusqu’ici, ne connaissait du tumulte que celui des vagues.

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