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Route du Rhum. L’angevin Fabrice Amedeo, exténué, a bouclé une transat en solitaire face à lui-même.

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Crédit Gilles Morel

Un tsunami émotionnel ! Ceux qui sont arrivés, et quel qu’en soit le prix, n’en disent rien d’autre. Le Rhum ça brule quand on l’avale, mais il n’en reste que l’ivresse. En franchissant la ligne d’arrivée de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 12ème position ce dimanche matin à 10h09mn42s (HF) à bord de l’IMOCA Newrest – Art & Fenêtres, privé de son bout-dehors et donc de ses voiles de portant, au terme d’un tour de l’île à la hauteur de sa course difficile, l’angevin Fabrice Amedeo, exténué, a bouclé une transat en solitaire face à lui-même qui restera tatouée dans sa mémoire. Ce qu’il en retiendra forgera pour toujours l’homme et le marin.

Un rhum bien tassé

« J’ai fait un super départ, je me rappelle être avec SMA juste derrière moi et Hugo Boss sous mon vent. J’étais heureux de partir, je n’avais pas de pression particulière, pas d’appréhension, j’étais vraiment heureux de participer à cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Une première nuit super, avec un bon rythme, j’étais avec les bons : sortie de Manche expresse, le bateau qui foile, qui va vite, et moi qui était vraiment bien en phase avec la machine. Le lundi un petit coup d’arrêt avec ce talweg à franchir au sud de Brest, qui a un petit peu arrêté tout le monde, mais certains plus que d’autres, et je fais partie de ceux qui ont été pas mal pénalisés, parce que j’ai pris un peu le système à l’envers. Ensuite une descente rapide dans le golfe de Gascogne et l’arrivée du gros morceau qui est cette dépression qui commence bâbord amure vers l’ouest avec 40 nœuds au près. J’avais trouvé un bon réglage, le bateau ne souffrait pas trop, ne tapait pas trop, tout allait bien. J’envoie tribord amure derrière quand la traine arrive et que ça part vers le sud, et là ça monte à 45 nœuds. J’étais bien, je dirais presque un peu contemplatif. Ça a un côté fascinant en fait ces images de tempête et d’océan déchainé. Et puis, malheureusement, je découvre ce bout-dehors cassé. Je me dis voilà, ça ne veut pas passer, et bien il faut faire demi-tour, c’est l’océan qui t’envoie un signal fort. Et là, je pense à tous ceux qui me font confiance, je pense à ma femme et mes enfants, tous ceux qui croient en moi, et puis aussi en ce principe que j’ai toujours mis en avant qui est de terminer les courses avant de passer à quoi que ce soit d’autre, et donc je décide de repartir et de continuer jusqu’à Lisbonne. Je retrouve mon équipe à Cascais qui fait un super boulot pendant 3 jours pour réparer la coque qui avait eu des impacts et refaire un bout-dehors, et je repars plutôt remonté à bloc avec seulement 400 milles de retard sur la queue du peloton, donc c’est jouable : ça démarre bien, j’étais de nouveau en phase »

Le bout du bout

« Et puis voilà, le bout-dehors qui recasse deux jours après ce nouveau départ. Alors que l’on va entrer dans la partie du parcours qui comporte le plus de portant, c’est la course qui s’écroule.

Je décide de continuer, parce que là, ça n’a plus aucun sens de faire demi-tour, il faut aller au bout c’est sûr. Il faut maintenant faire la course, sans la course : je suis seul dans mon coin sans concurrent à proximité, je ne vais pas vite et je dois subir les éléments. En début de semaine, quand les hautes pressions descendent, je n’ai pas assez de vitesse pour plonger dans le sud et je suis obligé d’attendre qu’elles me passent dessus, pour ensuite récupérer le vent d’une dépression et pouvoir enfin faire de l’ouest. Voilà, donc après ça ressemble un peu à une transat hors sol, une transat chemin de croix, même si j’essaye de regarder le positif : je passe du temps avec ma machine.

Ce que j’ai appris sur mon bateau, c’est ce que je pensais : ce foiler est diabolique, il a un énorme potentiel de vitesse, et je vais avoir beaucoup de travail pour me hisser au niveau de cette machine d’ici le Vendée Globe. C’est un bateau très exigeant qui n’avait pas forcément été préparé pour les challenges qui sont les miens car nous avions décidé de ne pas faire de modification avant le Rhum, donc il y a un gros travail à faire pour cela, et le vrai défi ça va être de gérer cela dans les deux prochaines années.

Ce que j’ai appris sur moi, c’est que je suis toujours aussi heureux d’être en mer, même si ça a été par certains côtés une vraie souffrance mentale, et que j’ai eu un peu de mal à profiter des milles et à être en mode méditatif dans le faux rythme de cette course qui n’en était plus vraiment une. Je vais faire tout mon possible pour que ce genre de situation ne se reproduise pas, et ça va passer par le travail. »

Toujours en mer

 » Au moment où je termine cette Route du Rhum, j’ai une pensée pour tous ceux qui l’on faite, ceux qui sont arrivés, ceux qui sont encore en mer et ceux qui n’ont pas pu finir. J’ai juste envie de dire un mot pour Alex Thomson parce qu’il a absolument éclaboussé tout le monde de son talent et de sa supériorité. Bien évidemment Paul a hyper bien navigué et je lui adresse un grand bravo, mais c’est vrai qu’il y a une grande tristesse pour Alex qui allait chercher sa première grande victoire en IMOCA et qui était vraiment un gros gros cran au-dessus de tout le monde. Y compris des grands champions que sont Paul Meilhat, Yann Elies et Vincent Riou. Oui, je suis très déçu pour lui. Je trouve qu’il méritait, c’était sa course. Mais bon c’est comme ça, la Route du Rhum cette année réservait des surprises…

Pour moi, c’était la troisième fois que je faisais cette transat, et ça ne s’est pas exactement passé comme prévu. Je ne sais pas quand est-ce que s’arrêtera mon histoire avec la Route du Rhum, mais c’est évident qu’en tous cas elle ne peut pas s’arrêter là-dessus, même si on est allé au bout, et ça c’est très important et c’est une grande satisfaction personnelle d’être allé au bout.

Il faudra que je sois là, au départ en 2022, avec un bout-dehors costaud et un beau bateau. »

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