Charente-Maritime
Suspension partielle du projet de bassines dans la Vienne et la Charente-Maritime : la justice impose un sursis environnemental

Après plusieurs années de procédure, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu ce jour une décision marquante dans le dossier controversé des bassines du bassin Sèvre Niortaise-Mignon. Les autorisations environnementales, délivrées par les préfectures de la Vienne, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime à la SA Coopérative de l’Eau des Deux-Sèvres pour la construction de 16 réserves de substitution, ont été partiellement annulées. Quatre bassines (SEV14, SEV15, SEV24 et SEV26) sont ainsi concernées par la suspension, en raison de l’absence de dérogation pour la protection d’espèces menacées, une exigence pourtant inscrite dans le Code de l’environnement.
Une décision basée sur la protection de la biodiversité
Cette décision souligne les enjeux de biodiversité, notamment la préservation de l’Outarde canepetière, une espèce d’oiseau en danger critique d’extinction. « Cet oiseau a vu sa population migratrice décliner de 94 % entre 1978 et 2000, et sa présence se limite aujourd’hui au Centre-Ouest de la France« , précise Nature Environnement 17, l’un des collectifs signataires. Depuis 2016, des associations alertent sur les impacts directs et indirects des bassines sur plusieurs espèces protégées, parmi lesquelles figurent également l’Œdicnème criard et le Busard cendré.
Des travaux controversés malgré les recours
Malgré ces avertissements judiciaires, la Coopérative de l’Eau des Deux-Sèvres a entamé les travaux à Sainte-Soline en mars 2023, avant la décision d’appel. Une plainte a été déposée pour destruction d’habitat d’espèces protégées sur une superficie de 17 hectares. « L’accaparement de l’eau par une minorité d’irrigants, au détriment des autres utilisateurs et de l’environnement, ne peut plus être ignoré », dénoncent les membres de SOS Rivières et Environnement.
Le projet de bassines repose sur l’irrigation intensive, un modèle agricole accusé d’amplifier les crises écologiques. « Ces réserves pérennisent des pratiques agricoles qui ne sont plus soutenables face aux défis climatiques et environnementaux », déclare un représentant de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO).
Une gestion de l’eau sous tension
L’eau est au cœur du débat. L’Autorisation unique de prélèvement (AUP), indispensable pour remplir ces réserves, avait déjà été annulée par le Tribunal administratif de Poitiers en juillet 2024 en raison de volumes jugés excessifs. La ressource en eau disponible ne permettrait de remplir que les 16 bassines, privant les autres exploitants agricoles d’un accès équitable.
Les associations réclament désormais un abandon pur et simple du projet. « Il est temps d’orienter les financements publics vers des pratiques agricoles durables et inclusives, au service de tous les agriculteurs et de l’intérêt général », plaide un représentant de Vienne Nature.
Une fuite en avant économique ?
Alors que seuls 6 à 8 % des surfaces agricoles en France sont irriguées, la majorité des exploitants misent sur l’eau pluviale. Pour les opposants, les bassines symbolisent un modèle dépassé favorisant une minorité aux dépens de la biodiversité et des ressources partagées.
L’État, qui soutient la Coopérative de l’Eau, est lui aussi critiqué pour son inaction face à des jugements non exécutés. « Comment peut-on justifier des travaux illégaux et un désintérêt pour la protection des espèces, alors que le changement climatique exige des réponses plus responsables ? » s’interroge un représentant de Nature Environnement 17.
Une issue incertaine
La suspension des autorisations pour quatre bassines constitue une victoire partielle pour les associations, mais le projet global reste en suspens. La justice, après avoir dénoncé des irrégularités flagrantes, pourrait encore imposer de nouvelles réductions, voire une annulation définitive.
« Nous avons besoin d’une gestion de l’eau collective, transparente et tournée vers la préservation des milieux naturels », conclut un responsable de L’Association de Protection, d’Information, d’Étude de l’Eau et son Environnement (APIEEE).
Signataires : LPO, Fédération 79 des Associations de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique, SOS Rivières et Environnement, Vienne Nature, et d’autres associations locales.