Justice
La « réintégration sans délai » du pompier de Saint-Barthélémy-d’Anjou soupçonné de « corruption de mineures » attendra

La juge des référés du tribunal administratif de Nantes a désavoué l’adjudant-chef affecté au centre de secours principal (CSP) du Chêne-Vert de Saint-Barthélemy d’Anjou (Maine-et-Loire) qui contestait l’interruption de versement de son traitement depuis sa mise en examen pour « corruption » de cinq mineures.
Ce pompier professionnel est soupçonné par un juge d’instruction du tribunal judiciaire d’Angers d’avoir « favorisé ou tenté de favoriser la corruption de cinq mineures » en échangeant avec elles des « messages à caractère sexuel » sur un système de communication entre 2013 et 2020, à Brissac et Angers, comme le révélait Ouest-France en août 2024.
Ce quadragénaire aurait aussi « effectué des captures d’images dénudées » ou pris des photographies « à l’insu d’une mineure ». Il a également été placé sous le statut de « témoin assisté » pour des faits de « viols et agressions sexuelles » sur quatre mineures entre 2011 et 2020.
Le 3 août 2024, le juge d’instruction l’avait donc placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer « une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs » et et de paraître en Maine-et-Loire. Le 23 octobre 2024, la cour d’appel d’Angers avait toutefois supprimé cette dernière interdiction.
DES FAITS « GRAVES ET REPETES »
Sur le plan administratif, ce pompier professionnel avait été placé « en arrêt maladie » deux jours après son placement sous contrôle judiciaire. Le 1er octobre 2024, le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Maine-et-Loire avait donc « interrompu le versement » de son traitement « en l’absence de service fait ». Une décision maintenue par la présidente du SDIS – et du Département de Maine-et-Loire – Florence Dabin (divers droite), en dépit de la « main levée partielle » du contrôle judiciaire par la cour d’appel d’Angers.
Le pompier a donc saisi en urgence la juge des référés du tribunal administratif de Nantes pour faire suspendre cette décision et être « réintégré sans délai » dans les effectifs du SDIS sur un poste où il ne serait pas en contact avec des mineurs. Même si, « actuellement », il « ne peut pas reprendre une activité professionnelle » à cause de son « suivi médical ».
Il y avait toujours « urgence », de son point de vue, à suspendre cette décision qui le prive de « la possibilité d’exercer sa profession » alors que « aucune procédure disciplinaire n’a été mise en oeuvre » en interne à ce stade au sein du SDIS 49. Le requérant se retrouve donc dans ces conditions privé de ressources et « ne dispose pas de fonds suffisants pour faire face à une absence de traitement mensuel » compte tenu de « l’importance des charges de son ménage » et pour « acquitter les dépenses liées à son suivi médical ».
« Il n’est pas justifié que les interventions auxquelles il participerait concernerait majoritairement des personnes mineures, ni que le SDIS de Maine-et-Loire ne disposerait d’aucun poste sur lequel il pourrait être affecté », développait par ailleurs son avocat. Par ailleurs son client est toujours « présumé innocent » et le SDIS du Maine-et-Loire ne pouvait donc pas s’appuyer sur la « procédure pénale en cours » pour « l’écarter du service » sans « rechercher à établir un manquement à ses obligations déontologiques ou une faute personnelle ».
SON RETOUR FERAIT OBSTACLE A LA « NECESSAIRE SERENITE » DE LA CASERNEE
« Il a été mis en examen (…) pour des faits graves et répétés », objectait de son côté le SDIS. Il était donc « impossible » à l’administration de « garantir l’absence de risque de contacts du requérant avec des mineurs » : ce « type d’intervention » est « très fréquent et dicté par l’urgence ».
« Sur les dix dernières années, le groupement auquel est rattaché ce centre de secours a réalisé entre 1.059 et 1.684 interventions sur mineurs », détaillait ainsi l’avocat du SDIS de Maine-et-Loire. « Le centre de secours du Chêne-Vert accueille régulièrement des stagiaires mineurs par groupe d’une dizaine qui intègre une garde. » Dans ce contexte, « les poursuites pénales » engagées à l’encontre du pompier ne permettaient pas d’assurer « la sérénité nécessaire » au sein de la caserne.
« Le maintien de l’interdiction judiciaire faite à M. XXX de ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des personnes mineures (…) fait obstacle à ce qu’il exerce son activité en qualité de chef d’agrès tout engin au sein du centre de secours principal Chêne-Vert à Saint-Barthélemy d’Anjou », confirme la juge des référés du tribunal administratif de Nantes dans une ordonnance en date du 9 janvier 2025 qui vient d’être rendue publique. Il est en effet « impossible » de s’assurer qu’il ne sera pas en contact avec des mineurs.
En 2024, le centre de secours avait recensé « 1.259 » interventions concernant des mineurs, contre « 2.900 » pour tout le département. Et il n’est « pas contesté » qu’il n’existe « pas de poste disponible dans le département en adéquation avec le grade de M. XXX et les besoins du service », conclut la magistrate. Faut de « doute sérieux » sur la légalité de l’arrêté de Florence Dabin, elle a donc rejeté la requête de l’intéressé. Le tribunal administratif de Nantes se repenchera toutefois sur le dossier par le biais d’une formation collégiale de trois juges, mais pas avant dix-huit mois à deux ans désormais./CB