Citoyenneté
Pourquoi ils veulent « tout bloquer » le 10 septembre ?
« Elite politique qui travaille pour les milliardaires », « avantages sociaux qui s’étiolent », « déni de démocratie »: dans toute la France, des actions se préparent pour le 10 septembre sous la bannière « Bloquons tout », sur fond de rejet des classes dirigeantes attisé par les annonces budgétaires de François Bayrou.
Cette mobilisation protéiforme, née sur les réseaux sociaux cet été, regroupe des électrons libres penchant souvent à gauche, d’anciens Gilets jaunes, des militants de partis politiques comme LFI et syndicats comme la CGT – qui avait d’abord redouté un « noyautage de l’extrême droite » avant d’appeler à la grève.
Les actions envisagées lors de cette mobilisation, dont l’ampleur reste difficile à prévoir, vont de la grève de la carte bleue à des manifestations, blocages de sites stratégiques et sabotages de radars ou distributeurs de billets.
Des Français qui s’apprêtent à participer confient à l’AFP les raisons, multiples, de leur colère. La perspective de la chute du gouvernement de François Bayrou, qui va solliciter la confiance de l’Assemblée nationale le 8 septembre, semble renforcer leur détermination plutôt que la dégonfler.
Annie, « excédée »
Annie, 76 ans, se dit « excédée de voir que depuis que Macron est là, c’est pire que jamais, l’argent est distribué à ceux qui en ont déjà ». « Ça fait 20 ans qu’on voit tous les avantages sociaux qui s’étiolent », souligne cette ancienne assistante de direction, qui vit en Seine-et-Marne. Ayant toujours eu « des idées de gauche », elle est parfois allée manifester lors des « grèves importantes » et compte participer cette fois-ci après 20 ans sans se mobiliser.
Benjamin: « un fossé avec l’élite politique »
Pour Benjamin Ball, 41 ans, d’Argenteuil (Val d’Oise), membre de l’Après qui regroupe des anciens de LFI, « un fossé s’est créé avec l’élite politique qui travaille pour les milliardaires ». Les annonces budgétaires du Premier ministre ont été « la goutte d’eau qui fait déborder le vase de notre indignation », résume le quadragénaire, au chômage et en recherche d’une alternance dans le cadre d’une reprise d’études, engagé de longue date pour la défense des sans-papiers ou le climat.
Leïla veut une mobilisation féministe
La colère de Leïla, 28 ans, qui donne des cours particuliers de mathématiques à Nantes, est alimentée par l’allongement à sept jours du délai de carence pour le versement des indemnités d’arrêt maladie, le refus d’abroger la réforme des retraites, l’augmentation du budget de la Défense « en obéissant à Trump ». Depuis peu membre de LFI, elle aimerait aussi que la mobilisation ait une dimension féministe, car « la pauvreté crée pour les femmes les conditions de leur non-sécurité », en retardant le moment où elles quittent un conjoint violent.
Gilbert, une « extension des Gilets jaunes »
A 82 ans, le Montpelliérain Gilbert Rigal, fait partie d’un noyau de Gilets jaunes qui maintient depuis une présence sur un rond-point. Cet informaticien à la retraite espère que « Bloquons tout » soit « une extension du mouvement des Gilets Jaunes », « écrasé par la répression ». Il dénonce l’austérité mais également le fait qu’Emmanuel Macron se soit « assis sur le résultat des élections » et l’interdiction de certaines manifestations pro-palestiniennes.
Également ancienne Gilet jaune, en Haute-Garonne, Joséphine, conseillère en insertion professionnelle de 54 ans, estime que le gouvernement « ne prend pas en compte la précarité des salariés ». « On fait les courses à Lidl, on compte tout. Qui peut manger bio aujourd’hui ? », s’interroge-t-elle. Elle est révoltée par la possible suppression de deux jours fériés et la révision du statut des affections longue durée.
– Caroline, « inquiète pour la santé mentale des enfants »
Parmi ses griefs, Caroline Marcel, professeur d’histoire-géographie à Vitrolles (Bouches-du-Rhône), syndiquée à Sud-Education, cite « l’année blanche pour les prestations sociales ».
« Je m’inquiète pour la santé mentale des enfants, de plus en plus déprimés alors qu’on a de moins en moins de médecins, infirmières et psys scolaires », dit aussi l’enseignante quadragénaire, qui a participé à Nuit Debout et aux Gilets jaunes.
Chloé: « les taxes sur les riches jamais votées »
Préparatrice en pharmacie de 35 ans, Chloé Souské se dit indignée « que les taxes sur les riches ne soient jamais votées alors qu’on nous demande de nous serrer la ceinture ». Cette habitante de Monterfil, un village d’Ille-et-Vilaine, ancienne Gilet jaune, pointe aussi un « déni de démocratie », les « manifestations, pétitions, conventions de citoyens » qui ne débouchent sur rien.