Justice

Un juge se penche sur les conditions de détention « indignes » de la maison d’arrêt d’Angers

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L’ordre des avocats du barreau d’Angers d’une part, et l’Observatoire international des prisons (OIP) et l’Association des avocats pour la Défense des Droits des personnes Détenues (A3D) d’autre part, ont demandé ce mardi 9 septembre 2025 au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d’ordonner toutes « mesures utiles » pour mettre un terme aux conditions de détention « indignes » de la maison d’arrêt d’Angers (Maine-et-Loire).

L’établissement pénitentiaire – construit au XIXe siècle mais qui est plutôt « comparable au Moyen-Âge » selon le sénateur (divers gauche) de Maine-et-Loire Grégory Blanc qui l’a visité cet été – connaît en effet une importante « surpopulation » carcérale puisqu’il accueille 444 détenus pour une capacité de 216 personnes.

Dans ces conditions, la « température anormale » qui y règne « hiver comme été » à cause de ses « fenêtres défectueuses » en simple vitrage – parfois remplacées par « des dispositifs de fortune » – ont poussé les défenseurs des droits des détenus à saisir la justice administrative. Ils demandent au juge de contraindre l’administration pénitentiaire à « limiter l’humidité et les moisissures », à procéder à un « cloisonnement des toilettes » et à un « nettoyage approfondi des douches collectives » ou bien encore à remédier à la « présence de nuisibles ».

« Cette prison a été construite en 1856, à une période contemporaine des Misérables« , a recontextualisé Me Frédéric Raimbault, le bâtonnier en exercice du barreau d’Angers. « Malheureusement, Victor Hugo ne serait pas dépaysé s’il revenait aujourd’hui et il pourrait écrire exactement le même roman. »

L’ABSENCE D’INTIMITE SUR LES WC, LE « PREMIER DES MEPRIS »

« On nous dit « C’est pas grave, il y aura une nouvelle maison d’arrêt en 2029 [à Loire-Authion, ndlr] »… mais les détenus de 2025 n’en ont que faire ! », a ajouté l’avocat. « Et on peut prendre le pari que cette prison ne sera même pas construite en 2029… »

Dans l’immédiat, « le premier des mépris » à l’égard des détenus commence donc par « l’absence d’intimité » autour des toilettes dans les cellules, partagées à « deux » ou « trois détenus ». « Des rideaux ont été été mis en place par les détenus eux-mêmes car l’administration n’en a jamais fourni », a assuré le bâtonnier au juge.

A l’audience, la représentante de l’administration pénitentiaire et la directrice de la maison d’arrêt ont « reconnu la gravité » des constats faits par les requérants et cette « promiscuité incompatible avec les standards de dignité que nous nous efforçons de préserver ». Mais ces conditions de détention résultent d’un « déséquilibre structurel », avec un bâti « qui ne correspond plus aux exigences de salubrité » actuelles ; un « projet ambitieux » de nouvelle prison verra donc le jour « dans les années à venir », ont-elles promis.

Dans l’immédiat, la directrice de la maison d’arrêt d’Angers n’est toutefois « pas sûre » de pouvoir donner suite aux « études de faisabilité » sur la mise en place d’une VMC dans les cellules : un devis de « 160.000 € » lui a été soumis, avec un « risque de fragilisation de la structure » des murs à cause des « trous » qui vont devoir être faits. Concernant les WC, « initialement toutes les cellules étaient dotées » d’une tringle à rideaux mais elles ont été « découpées pour en faire autre chose » au fil du temps, comme « sécher le linge ». « Une majorité de détenus n’en ont pas demandé le remplacement car ils ne veulent pas payer pour ces dégradations », a-t-elle expliqué au juge des référés du tribunal administratif.

« LE BRUIT » ET « LES ODEURS »

L’avocat de l’Association des avocats pour la Défense des Droits des personnes Détenues a avoué, pour sa part, qu’il avait été « un peu consterné » lors de sa lecture des dernières écritures de l’administration pénitentiaire, « en prenant son café » le matin-même de l’audience. « Je suis toutefois heureux d’entendre que les termes prononcés à l’audience ne sont pas les mêmes », a tenu à « souligner publiquement » Me Maxime Gouache. Car les conditions de détention à Angers, d’une « indignité absolue », font « froid dans le dos au XXIe siècle ».

L’avocat nantais a aussi salué « le courage » des détenus qui ont « pris publiquement la parole » dans « un courrier » envoyé à la presse locale : ils demandaient aux pouvoirs publics de les « sauver » de cette situation.

« Je dois être à mon troisième ou quatrième directeur de la maison d’arrêt qui me dit qu’il va y avoir une nouvelle prison », a raillé pour sa part Me Jean de Bary, l’avocat de l’Observatoire international des prisons (OIP). « J’y croirai quand je verrai posée la première pierre. » « Le bruit et les odeurs, c’est pas possible… et quand en plus il y a la chaleur, c’est immonde », a ajouté l’avocat angevin à propos des conditions de détention de l’établissement actuel.

La directrice de la maison d’arrêt a toutefois fait savoir que mettre des « cloisons en dur » autour des sanitaires dans les cellules pouvaient « poser une difficulté » car « il ne faut pas que la personne puisse se barricader ». « Un tel équipement a dû être retiré dans d’autres établissements pénitentiaires : c’est difficilement compatible avec les exigences de sécurité », a-t-elle fait remarquer. Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, qui a mis sa décision en délibéré, devrait rendre son ordonnance dans les prochains jours./GF

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