Justice
Victoire à Angers pour la surveillante de prison qui était tombée amoureuse d’un ex-détenu

Le tribunal administratif de Nantes a annulé la sanction « disproportionnée » qui avait été infligée à une surveillante de la maison d’arrêt d’Angers (Maine-et-Loire) après qu’elle ait noué une « relation intime » avec un détenu tout juste sorti de prison.
La requérante avait en effet fait l’objet le 19 septembre 2022 d’une révocation de l’administration pénitentiaire, soit la sanction la plus sévère de l’arsenal disciplinaire réservé aux agents du service public. Elle avait donc saisi la justice administrative une semaine plus tard pour sanctionner cette « atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale ».
« Le personnel de l’administration pénitentiaire est loyal envers les institutions républicaines », prévoit en fait en pareils cas le code pénitentiaire. « Il est intègre, impartial et probe. Il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. »
« Le personnel (…) ne peut entretenir sciemment avec des personnes placées (…) sous l’autorité (…) de l’établissement (…), ainsi qu’avec (…) leur famille et leurs amis (…), de relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités du service », complète la loi. « Cette interdiction demeure pendant (…) cinq années à compter de la fin de l’exercice de ladite autorité. » C’est-à-dire le « transfèrement dans un autre établissement » ou la « levée d’écrou » du détenu, ou bien la « cessation des fonctions » du fonctionnaire dans cette établissement carcéral.
ELLE A ETE VU AVEC LUI « DANS UN CENTRE COMMERCIAL »
« Lorsqu’il a eu de telles relations avec ces personnes antérieurement à leur prise en charge (…), le personnel (…) en informe le chef d’établissement (…) dès cette prise en charge », ajoute le code pénitentiaire. « Le personnel (…) ayant des liens familiaux avec les personnes placées sous l’autorité (…) de l’établissement doit également en informer son chef. »
En l’occurrence, le ministère de la Justice avait jugé que le « positionnement » de la surveillante de la maison d’arrêt d’Angers était « définitivement compromis » depuis qu’elle avait noué une « relation intime avec un ancien détenu », relation qu’elle avait « spontanément reconnue » et pour laquelle elle avait admis avoir « manqué à ses obligations professionnelles ».
« Toutefois (…) cette relation n’a débuté qu’à la suite de la levée d’écrou de ce détenu et elle ne l’a pas immédiatement signalée à son administration en raison de son caractère très récent à la date à laquelle il lui a été demandé des explications », relève le tribunal administratif de Nantes dans un jugement en date du 19 août 2025 qui vient d’être rendu public.
Or, pour justifier sa décision, l’Etat s’est « borné à faire état des interrogations des collègues » de la surveillante « sur ses demandes réitérées de changement de poste pour se voir affectée dans le secteur où le détenu était (…) incarcéré » et du fait qu’elle a été « aperçue en sa compagnie dans un centre commercial (…) sept jours après sa sortie de détention« .
UN « COMPORTEMENT GRAVEMENT FAUTIF »
« L’administration n’apporte pas suffisamment d’éléments permettant d’établir que la relation aurait commencé à être entretenue au sein-même de la maison d’arrêt », en déduisent donc les magistrats nantais.
« Si les faits (…) sont constitutifs d’un comportement gravement fautif au regard de ses fonctions (…) et sont de nature à justifier une sanction (…), Mme XXX est toutefois fondée à soutenir (…) qu’en prononçant sa révocation, l’administration (…) lui a infligé une sanction présentant un caractère disproportionné », tranchent les juges. Ils ont tenu compte de ses « bons états de service », de son « implication professionnelle depuis son entrée dans l’administration » en octobre 2016 et de son « absence de précédents disciplinaires ».
Le « caractère très récent de la relation » litigieuse – dont il n’est « pas établi qu’elle aurait été effectivement entretenue avant la levée d’écrou » – est aussi entrée en ligne de compte. Tout comme le fait que le ministère de la Justice n’a « pas produit de mémoire en défense » dans cette affaire, « ni même l’avis du conseil de discipline » qui s’était penché sur ce dossier…
« L’annulation d’une décision prononçant la révocation d’un agent implique nécessairement la réintégration de l’intéressé à la date de son éviction », en conclut donc le tribunal administratif de Nantes. Il a donc été fait « injonction » au ministre de la Justice de « réintégrer » la fonctionnaire « dans ses effectifs » et de « reconstituer sa carrière » en termes de rémunérations et de cotisations sociales perdues. L’administration devra également verser 1.500 € à l’intéressée pour ses frais de justice./GF