Justice
Nouvelle remise en liberté dans l’affaire d’importation XXL de cannabis à Cholet
La cour d’appel de Rennes a remis en liberté ce vendredi 11 octobre 2024 un père de trois enfants de Cholet (Maine-et-Loire) accusé d’avoir pris part à l’importation de 2,4 tonnes de cannabis depuis le Maroc et via l’Espagne entre 2020 et 2022, dans l’attente de son procès.
Pour rappel, quinze personnes principalement originaires de Cholet (Maine-et-Loire) mais aussi de Talmont-Saint-Hilaire (Vendée) et Machecoul-Saint-Même (Loire-Atlantique) avaient été condamnées en juillet 2024 en première instance à des peines allant de la prison avec sursis simple à douze ans d’emprisonnement.
L’audience de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes avait été mouvementée : la présidente du tribunal avait refusé de renvoyer le procès après de longues heures de débats avec la défense. Les avocats s’étaient en effet succédés pour expliquer que l’une de leurs consoeurs était « empêchée » pour « raisons médicales », que deux autres étaient retenus aux assises pour une « tentative d’assassinat » et enfin que d’autres confrères avaient eux aussi « des impératifs ».
Mais surtout, pour Me Fabian Lahaie, le procès ne pouvait pas se tenir avant que la Cour de cassation ne se prononce sur les « nullités » qu’il a soulevées : il conteste précisément les « conditions de l’exploitation de la messagerie cryptée SkyECC », surnommée « la messagerie du crime ». En clair, si la Cour de cassation venait à le suivre, non seulement le dossier s’écroulerait en grande partie, au bénéfice de l’ensemble des prévenus, mais il pourrait aussi avoir des conséquences dans de nombreuses autres procédures initiées en France.
DEBATS TENDUS EN PREMIERE INSTANCE
Après s’être vu opposer un premier refus de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, l’avocat rennais avait donc porté l’affaire devant la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Et la Cour de Cassation a accepté de faire droit à « l’examen immédiat » qu’il a sollicité, une décision extrêmement rare, selon un de ses confrères.
Attendre une décision de la Cour de cassation n’a jusqu’alors « jamais posé problème », avait plaidé l’avocat, autour duquel l’ensemble de ses confrères avaient fait bloc, en vain, pour que « les droits de la défense soient préservés ». Le tribunal n’avait d’ailleurs pas découvert la situation à l’ouverture de ce procès d’ampleur : la présidente de la JIRS avait en effet fait savoir aux avocats, en amont des débats, qu’elle n’entendait pas faire droit aux demandes de renvoi des avocats.
L’affaire avait donc bel et bien été retenue en première instance, malgré le déplacement de la bâtonnière de l’ordre des avocats du barreau de Rennes Catherine Glon. Seul le client de l’avocate souffrante avait pu bénéficier d’un renvoi. Plusieurs des condamnés ont depuis fait appel de la décision.
En attendant ce second procès, plusieurs protagonistes de l’affaire avaient sollicité leur remise en liberté. Le 13 septembre 2024, un habitant de Talmont-Saint-Hilaire qui avait pour projet de « monter un restaurant » aux Sables-d’Olonne avait déjà été remis en liberté par la cour d’appel. Il était en fait un « client important » du trafic : près de 150 grammes de cannabis avaient été découverts à son domicile et 500 € en espèces. Il avait écopé de quatre ans de prison ferme en première instance.
« SOUS COUVERT D’INTERCEPTER UNE LETTRE, JE PEUX BRAQUER UN BUREAU DE POSTE? »
Le 4 octobre 2024, Me Fabian Lahaie était donc venu plaider la remise en liberté de son client, condamné à cinq ans d’emprisonnement et écroué au lendemain de l’audience. Ce salarié du secteur de la grande distribution souhaitait pouvoir « retourner travailler » pour « subvenir aux besoins » de sa femme et de ses trois enfants.
D’autant que son avocat entend bien faire revivre les nullités soulevées en première instance : la condamnation de son client s’était fondée « exclusivement » sur « trois procès-verbaux » qu’il entend précisément faire annuler au regard des « conditions d’exploitation » des « données informatiques » de SkyECC.
« Est-ce que sous couvert d’intercepter une lettre, je peux braquer un bureau de poste ? », avait schématisé l’avocat rennais. La Cour de cassation a renvoyé l’examen de sa requête au 22 octobre 2024, mais la date pourrait encore évoluer.
En attendant, son client a été « privé du droit au recours effectif ». L’avocate générale avait pour sa part fait savoir qu’elle n’avait « aucune opposition » à sa remise en liberté sous bracelet électronique. Le père de famille a donc été libéré. Le procès d’appel est supposé se tenir le 6 décembre 2024, à condition que la Cour de cassation se soit prononcée d’ici là.