Grand Ouest

A Beaucouzé, Challans ou La Ferté-Bernard, les « bras cassés » volaient les vélos de luxe avec une « canne à pêche »

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La Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes a condamné ce mardi 16 décembre 2025 cinq Moldaves à des peines allant jusqu’à trois ans et huit mois de prison ferme pour une série de vols de vélos de luxe dans des magasins de toute la France, et principalement dans l’Ouest.

Tout avait commencé dans la nuit du 29 mai 2024 au Beausset (Var) : une vingtaine de vélos « haut-de-gamme » avaient été dérobés dans le magasin Tandem Bike Shop, dont une dizaine avaient été « abandonnés sur place ». Le préjudice avait alors été estimé à près de 70.000 €. Onze autres magasins spécialisés avaient été par la suite victimes de cambriolages ou tentatives de cambriolage similaires dans toute la France, et notamment dans le grand Ouest.

Les faits avaient ainsi été commis à Beaucouzé (Maine-et-Loire), Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle), Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), Challans (Vendée), Toulouse (Haute-Garonne), Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne), Lafox (Lot-et-Garonne), Avranches (Manche), La Ferté-Bernard (Sarthe) et Varennes-Vauzelles (Nièvre). Le dernier cambriolage avait visé le magasin Véloland de Langueux (Côtes-d’Armor) dans la nuit du 17 au 18 octobre 2025, avec un préjudice estimé à 126.000 €.

À chaque fois, le mode opératoire était similaire : les malfaiteurs arrivaient sur les lieux avec « deux véhicules », l’un pour transporter les hommes et l’autre pour récupérer la marchandise dérobée. Ils « fracturaient » ensuite le toit des magasins et y introduisaient une « canne à pêche » artisanale de plusieurs mètres de long, grâce à laquelle ils faisaient remonter les vélos… Ils étaient ensuite revendus sur Le Bon Coin ou stockés dans des « containers » en région parisienne, à Longpont-sur-Orge et Brétigny-sur-Orge (Essonne).

PLUS DE 750.000 € DE PREJUDICE

Les cambrioleurs ciblaient ces magasins en raison du « prix de revente élevé » des vélos qui s’y trouvaient, a-t-il été expliqué à l’audience : ces modèles, utilisés notamment par les cyclistes professionnels, se vendent jusqu’à 15.000 €. Au total, la valeur des vélos dérobés dans les douze boutiques s’élevait à plus de 750.000 €.

Sur le plan judiciaire, une enquête préliminaire avait d’abord été ouverte par le parquet des Sables-d’Olonne (Vendée) qui avait constaté une « recrudescence » de ces faits de cambriolage. Elle avait ensuite été confiée en juillet 2025 au parquet de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes, spécialisée en matière de criminalité organisée. Les investigations avaient permis l’interpellation de ces cinq ressortissants moldaves le 10 novembre 2025 en région parisienne et dans les Alpes-Maritimes.

Quatre hommes et une femme âgés de 29 à 50 ans ont donc été jugés par la JIRS de Rennes ces lundi 15 et mardi 16 décembre 2025. Deux d’entre eux, Igor XXX et Anatolie XXX, ont comparu détenus pour « vol aggravé », « tentative de vol aggravée » et « association de malfaiteurs ». Ces deux hommes de 32 ans et 44 ans avaient été identifiés dès le premier cambriolage dans le Var le 29 mai 2024 : leur ADN avait été retrouvé respectivement sur une « perche avec crochet » et un « manche ».

L’enquête avait également permis d’établir leur « rôle actif » dans l’organisation des cambriolages : ils tenaient des « discussions » en amont sur les magasins à cibler et procédaient à des « repérages » sur place. Ils achetaient également des « lignes téléphoniques » et des « véhicules » avant les faits. Ils se chargeaient en outre de recruter des « chauffeurs » en région parisienne pour le transport des marchandises volées. Les vélos étaient ensuite vendus en Moldavie, en Roumanie, voire en Russie.

DES REQUISITIONS « EXTREMEMENT SEVERES »

« Au regard de la succession de faits et de l’organisation en amont, on voit qu’un groupement organisé est à la manœuvre », a ainsi résumé la procureure de la République à l’audience. Elle avait donc requis à l’encontre d’Igor XXX et Anatolie XXX cinq ans de prison ferme avec maintien en détention, une amende de 15.000 € et une interdiction définitive du territoire français. Pour Igor XXX, elle avait également demandé la révocation d’un précédent sursis de huit mois avec incarcération immédiate.

Mais l’avocat d’Igor XXX avait jugé ces réquisitions « extrêmement sévères » : ce n’est que la « deuxième fois » que son client est jugé devant un tribunal, et les vols ont d’ailleurs été commis sans aucune « violence » ni aucune « précaution » pour dissimuler ses méfaits. Igor XXX « ne constitue que la partie immergée de ce dossier », avait donc jugé Me Antoine Hellio. Il avait en conséquence demandé aux juges de faire preuve « d’humanisme » envers son client, qui souhaite avant tout « retourner en Moldavie ».

« Je ne vois pas une association de malfaiteurs, mais une équipe de bras cassés », avait raillé pour sa part l’avocate d’Anatolie XXX. Me Bénédicte Gosselin avait rappelé la « situation catastrophique » en Moldavie, qui est un pays « extrêmement pauvre ». Son client souhaite malgré tout y retourner car sa femme et son fils y sont « malades » et ont besoin de « soins ». Lui-même doit d’ailleurs être « opéré » pour un problème cardiaque.

Deux autres hommes – Victor XXX et Sergiu XXX, qui le « cousin » d’Anatolie XXX – ont comparu devant la JIRS de Rennes pour « complicité de vol aggravé » et « participation à association de malfaiteurs ».

NI « MULTIRECIDIVISTES » NI « TETES DE RESEAU »

Le premier était également poursuivi pour « recel habituel de bien provenant d’un vol » : il était en fait soupçonné d’agir comme « intermédiaire » avec les acheteurs des vélos volés et de faire des « repérages ». Il avait notamment été reconnu par le gérant du Véloland de Langueux, seule victime à avoir fait le déplacement à l’audience, qui avait noté son « comportement suspect » quelques jours avant le cambriolage de son magasin.

La procureure de la République avait requis à l’encontre de Victor XXX deux ans de prison ferme avec mandat de dépôt et un an avec sursis, ainsi qu’une amende de 5.000 € et une interdiction de territoire pendant cinq ans.

Pour Sergiu XXX, qui avait mis ses voitures « à disposition » des malfaiteurs et joué le rôle de « chauffeur » à plusieurs reprises, elle avait réclamé un an de prison ferme aménageable sous la forme d’un bracelet électronique et deux ans avec sursis, ainsi qu’une amende de 8.000 €.

Les avocates de Victor XXX et Serguei XXX avaient pourtant insisté sur la « naïveté » de leurs clients : loin d’être des « multirécidivistes » ou des « têtes de réseau », ils se sont « trouvés au mauvais endroit au mauvais moment » et n’avaient pas eu tout de suite « conscience » qu’ils participaient à la commission d’une infraction.

UN COUPLE PARMI LES CONDAMNES

Une cinquième prévenue, Alina XXX – la compagne d’Igor XXX à l’époque des faits – a été jugée en son absence pour « participation à association de malfaiteurs » : elle n’avait pas pu faire le déplacement à Rennes en raison de son « état de santé ». Elle était précisément accusée d’avoir apporté un « soutien logistique » aux cambrioleurs et d’avoir servi comme « intermédiaire financier ». La procureure de la République avait requis à son encontre dix-huit mois de prison avec sursis et 3.000 € d’amende.

Mais les « éléments » du dossier la concernant – notamment l’achat d’un « billet de train » pour son compagnon ou des « virements » sur son compte bancaire – « relèvent davantage de soupçons que de preuves réelles », a fustigé son avocate. Me Sophie Laurent aurait de toute façon « du mal à comprendre son rôle dans une telle organisation » car Alina XXX travaille « trente-neuf heures par semaine » dans la « restauration » à Antibes (Alpes-Maritimes)…

La JIRS de Rennes a finalement suivi les réquisitions du parquet la concernant. Igor XXX et Anatolie XXX ont écopé pour leur part de trois ans de prison ferme avec maintien en détention, 30.000 € d’amende et une interdiction de territoire de dix ans. Le premier écope aussi de huit mois de prison supplémentaires du fait de la révocation d’un précédent sursis.

Victor XXX et Sergiu XXX ont été condamnés à un an de prison ferme à effectuer sous bracelet électronique et un an avec sursis, ainsi qu’à respectivement 20.000 € et 7.500 € d’amende. Les quatre hommes devront enfin verser 130.000 € de dommages et intérêts au magasin Véloland de Langueux et 1.700 € au Mondovélo de Challans ; ils devront s’acquitter de ces sommes même s’ils décident de faire appel./RB et GF

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