Sante
Crise de la psychiatrie. « l’heure n’est pas à la polémique entre établissements » selon la CGT

Parent pauvre de la médecine, la psychiatrie s’enfonce dans une crise sans précédent, alertent plusieurs chefs de service hospitaliers de la région des Pays de la Loire. Au CHU d’Angers, le Pr Dominique Savary, chef des urgences adultes, tire la sonnette d’alarme : son service est submergé par des patients souffrant de troubles psychiatriques qui ne relèvent pas de sa mission initiale.
Une situation chaotique aux urgences
Les urgences du CHU d’Angers, comme celles du Mans, de Cholet et de Saumur, voient affluer des patients en détresse psychique, faute de places disponibles en structures spécialisées. « C’est devenu infernal depuis le début de l’année. Notre rôle est de vérifier qu’il n’y a pas d’événement somatique, comme un AVC, qui expliquerait les troubles du patient. Mais une fois cet examen réalisé, ces patients devraient être pris en charge par les hôpitaux psychiatriques », explique le Pr Savary à Anthony Pasco pour le Courrier de l’Ouest. Or, ces établissements, en sous-effectif et en manque de lits, ne peuvent plus assurer leur mission.
Dans ces conditions, les patients psychiatriques restent souvent plusieurs jours aux urgences, dans un environnement inadapté. Certains doivent être attachés aux poignets ou aux chevilles pour éviter des crises violentes, une situation dénoncée par les personnels hospitaliers.
Un secteur en déclin
Depuis quinze ans, plus de 4000 lits de psychiatrie ont été fermés en France. Le CESAME (Centre de Santé Mentale d’Angers), établissement de référence en psychiatrie dans la région, a perdu 50 lits entre 2017 et 2023, auxquels s’ajoutent 30 nouvelles suppressions cette année. La situation a empiré avec la fermeture des lits de crise à l’hôpital de Cholet et la disparition d’un secteur entier du CESAME après le départ d’une cheffe de service et de son équipe médicale.
Dans les Centres Médico-Psychologiques (CMP), censés assurer le suivi en ambulatoire, la saturation est également dramatique. Faute de lits d’hospitalisation, ces structures accueillent des patients nécessitant une prise en charge plus lourde, qu’elles tentent d’accompagner avec des moyens réduits. Au CESAME, le taux d’occupation dépasse les 100 %, obligeant l’établissement à installer des lits supplémentaires en urgence.
Un appel à des mesures concrètes
Alors que le gouvernement a proclamé la santé mentale « grande cause nationale » pour 2025, les professionnels de la psychiatrie et les usagers attendent toujours des mesures concrètes. Face à cette situation critique, les syndicats CGT du CHU d’Angers et du CESAME dénoncent « le démantèlement de la psychiatrie publique de secteur » organisé par les gouvernements successifs et les Agences Régionales de Santé (ARS). « En 15 ans, ce sont plus de 4000 lits de psychiatrie qui ont été fermés en France par les pouvoirs publics », rappellent-ils.
Ils insistent également sur les conséquences locales de cette politique : « À ce jour, des patients nécessitant des soins psychiatriques sont parfois contraints de rester plusieurs jours aux urgences du CHU, dans des conditions inacceptables, faute de places disponibles au CESAME. »
Face à cette crise, la CGT du CHU d’Angers et du CESAME estiment que « l’heure n’est pas à la polémique entre établissements » mais à une action rapide des autorités. Ils réclament de l’ARS qu’elle « favorise la coopération entre le CHU d’Angers et le CESAME et octroie les moyens nécessaires, afin que les patients qui relèvent d’une hospitalisation en psychiatrie puissent bénéficier des meilleurs soins spécifiques dispensés par les professionnels du CESAME ».
Pour les soignants et les patients, il y a urgence : sans un véritable plan d’investissement dans la psychiatrie, les hôpitaux continueront de fonctionner dans des conditions indignes, mettant en péril la santé mentale de milliers de patients chaque année.