Justice
Amendes salées à Angers pour un concessionnaire automobile épinglé par la répression des fraudes

Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a validé dans l’immédiat l’amende de 37.000 € qui avait été infligée à un concessionnaire automobile d’Angers (Maine-et-Loire) suite à des « manquements » relevés par la répression des fraudes mais a suspendu, dans le même temps, la sanction complémentaire de « publication » de sa sanction sur le site internet et les réseaux sociaux de la préfecture.
Ce concessionnaire automobile implanté dans la zone industrielle Saint-Serge avait fait l’objet d’un « contrôle » d’une inspectrice de la répression des fraudes le 13 février 2023 : elle avait pointé plusieurs « manquements » au code de la consommation dans son procès-verbal.
Des amendes d’un montant total de 37.000 € avaient alors été infligées à Anjou Motors, dont 10.000 € pour « absence d’information des consommateurs sur les caractéristiques essentielles du service et son prix en matière de frais supplémentaires » et 20.000 € pour « absence de conformité de l’information des consommateurs en matière de garantie légale ». Plus anecdotique, la concession s’était vu infliger une amende de 1.000 € pour « défaut d’affichage de possibilité d’opter pour l’utilisation de pièces issues de l’économie circulaire ».
La Direction départementale de protection des populations (DDPP) de Maine-et-Loire avait également décidé de « mettre en oeuvre » les dispositions du code de la consommation qui lui permettent d’ordonner « la publication » de la sanction qu’elle a prise, pendant « un délai de deux mois », sous la forme d’un « communiqué sur le site internet des services de l’Etat » et sur « les réseaux sociaux de la préfecture ».
DES FAITS « ANCIENS » QUI N’ONT PLUS COURS
Le concessionnaire automobile avait alors saisi en urgence le juge des référés du tribunal administratif de Nantes pour faire suspendre les effets de cette sanction. Sa publication allait en particulier préjudicier « de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation » puisque la DDPP « organise une communication importante autour de ces publications » qui sont ensuite relayées « par de nombreux journaux consuméristes ou économiques ».
Or, « la publication peut encourager les clients à se reporter sur d’autres enseignes agissant sur le même marché » et « empêche le développement de partenariats économiques », s’inquiétait Me Benoît Gicquel, l’avocat de la concession automobile angevine. En outre, sa société « connaît un résultat net comptable déficitaire important depuis plusieurs années » – à hauteur de « plus d’un million d’euros » – et aucune « plainte de consommateurs » n’a été formulée à son encontre.
Sur le fond, la société estimait que ses « observations » n’avaient pas été prises en compte par la répression des fraudes et que le montant de l’amende était « disproportionné » puisque les informations présentées comme manquantes figuraient en réalité « sur les bons de commandes » ou n’étaient simplement « pas actualisées ».
La « publication » de la sanction n’était « pas motivée » et il n’existe « aucun impératif d’intérêt général » qui la justifie : il n’y a « pas de sites de vente par internet touchant une majeure partie de la population ». Les faits étant « anciens » et « la société y ayant mis un terme », le prononcé de l’amende lui paraissait donc « suffisant ».
LE PREFET VOYAIT « UN INTERET PEDAGOGIQUE » DANS LA MEDIATISATION DE LA SANCTION
En réponse, le préfet du Maine-et-Loire avait rappelé que cette publication découle de son « pouvoir de sanction » et qu’elle était « restreinte dans le temps », dans un espace qui n’est « pas spécifiquement consulté par les clients » du concessionnaire automobile. « L’information du public demeure un intérêt majeur » et « la société garde la possibilité de communiquer elle-même sur cette sanction », positivait au demeurant le représentant de l’Etat en Maine-et-Loire. La médiatisation de cette sanction présente, en outre, « un intérêt pédagogique et de régulation des marchés » pour « établir une concurrence saine et loyale ».
Sur le montant des amendes, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes lui donne raison, en commençant par relever qu’aucun des arguments soulevés par la société n’était de nature à « créer un doute sérieux quant à la légalité » de la décision.
En revanche, « compte tenu des modalités de circulation d’information de cette nature et de la vitesse de diffusion d’une telle information, dans un contexte de concurrence sur un même marché », la « publication » de la sanction est « de nature » à « préjudicier de manière suffisamment grave et immédiate » la situation de la concession automobile, estime le magistrat dans une ordonnance en date du 12 mars 2024 qui vient d’être rendue publique.
De plus, la société a « mis fin aux manquements » et « aucune plainte de consommateurs en lien avec ces manquements n’a été formulée », note le magistrat nantais. « L’information sur les manquements des professionnels du secteur de l’automobile (…) est susceptible d’être délivrée par d’autres moyens tels que des articles de presse », considère aussi le magistrat. Enfin, l’argument relatif au « caractère disproportionné » de cette sanction de publication est « en l’état de l’instruction » de nature à « créer un doute sérieux » sur sa légalité. Elle a donc été suspendue dans l’immédiat, jusqu’au réexamen au fond de l’affaire par une formation collégiale de trois magistrats professionnels, d’ici dix-huit mois à deux ans./CB