Justice
Un pédopsychiatre d’Angers sanctionné pour s’être « immiscé » dans les « affaires de famille » d’un « docteur en droit » parisien
La chambre disciplinaire de l’ordre régional des médecins des Pays de la Loire a infligé « un blâme » à un pédopsychiatre d’Angers (Maine-et-Loire) qui était intervenu dans le « contentieux un peu bas-de-gamme » entre un avocat du barreau de Paris et son ex-épouse, elle-même juriste.
Stéphan XXX reprochait précisément au Dr Daniel XXX d’avoir « imprudemment » rédigé un certificat médical « de complaisance » en faveur de son ex-femme alors que le serment d’Hippocrate impose pourtant aux médecins de « ne pas s’immiscer dans les affaires de famille ou dans la vie privée » de leurs patients.
Dans un document intitulé « Note clinique » en date du 11 octobre 2022, le pédopsychiatre angevin avait effectivement écrit qu’il avait « pu constater d’emblée (…) le différend inconciliable qui anime » les parents de ce patient qu’il avait reçu en consultation vingt-deux jours plus tôt pour des « signes d’anxiété » signalés par sa mère. « Après l’entretien seul avec [leur fils, ndlr] XXX et avec son accord, j’ai proposé à ses parents de le revoir », avait-il aussi écrit. « Leur différend à ce sujet n’a pas permis de faire suite à cette proposition. »
« Il est extrêmement dommageable pour XXX qu’il soit devenu un enjeu inconciliable entre eux, et que son point de vue ne puisse même pas être entendu », avait regretté le médecin dans cette « note clinique » sur cet enfant de 11 ans.
UN CERTIFICAT MEDICAL DIGNE D’UNE « ASSISTANTE SOCIALE »
Reste que cet écrit « tendancieux » de « cinq lignes » avait en fait été produit en pleine nuit « à 00h13 », soit « à quelques heures de l’audience » qui opposait le couple devant le juge aux affaires familiales (JAF) au tribunal judiciaire d’Angers, avait fait remarquer l’avocat parisien lors de l’audience publique le 14 février 2024 à Nantes : cette audience était précisément prévue le lendemain matin « à 9h30 », avait souligné Stéphan XXX. La pièce « irrégulière » avait été « évidemment » écartée par le JAF mais le père de famille n’en était pas resté là.
« Ce certificat ne ressemble à rien, c’est à la rigueur un certificat d’assistante sociale… Il comporte toutes les irrégularités possibles », avait expliqué Stéphan XXX aux médecins qui composent la chambre disciplinaire de l’instance ordinale dans ce « contentieux un peu bas-de-gamme ».
Mais « le Dr XXX ne connaissait pas cette date d’audience [devant le JAF] », avait répliqué l’avocate du pédopsychiatre angevin. « Il reçoit de nombreux patients, participe à des colloques ou des conférences… Il rédige donc ses certificats quand il peut, parfois tard dans la nuit. »
Il n’y a pas non plus de « collusion » entre le médecin et l’ex-femme du requérant, même si tous deux ont participé au même « colloque à la fac de droit d’Angers ». « On nous produit un programme où leurs deux noms apparaissent en 2016… et plus de cinq ans après, en 2022, dans une ville de 155.000 habitants, il se trouve que mon client a eu leur fils en consultation », avait soupiré l’avocate du pédopsychiatre. Elle avait donc demandé 2.000 € de frais de justice à son confrère pour cette « instrumentalisation de la procédure ordinale ».
« ON SAIT TOUS LES PRATIQUES ABUSIVES CONTENTIEUSES DE CERTAINS PLAIGNANTS »
« Mon ex-femme a été déboutée de tout, j’ai tout gagné – même une semaine [de garde de son enfant, ndlr]… Aujourd’hui, on est en appel », a objecté ce « docteur en droit » qui a un « bac + 12 ». Reste que ce certificat médical du pédopsychiatre lui a été « évidemment préjudiciable », avait maintenu cet homme qui a « vécu un temps à Angers » mais qui a déménagé depuis sur Paris.
« On sait tous les pratiques abusives contentieuses de certains plaignants, surtout en droit du travail et dans le contentieux familial… Cela pourrit nos dossiers », avait ajouté Stéphan XXX, qui se défendait lui-même. « Même si j’ai beaucoup de plaisir à vous parler aujourd’hui, j’ai autre chose à faire », avait-il dit aux médecins qui composent la chambre disciplinaire pour justifier les 3.000 € de frais de justice qu’il demandait à son confrère.
« En faisant état (…) du caractère irréconciliable du différend opposant les parents [et] que le point de vue de l’enfant n’était pas entendu, le docteur (…) s’est abstenu de formuler (…) une constatation médicale ou une indication clinique », constate simplement la chambre disciplinaire de l’ordre régional des médecins des Pays de la Loire pour justifier ce simple « blâme », dans une décision en date du 4 avril 2024 qui vient d’être rendue publique. « Il doit être regardé comme s’étant immiscé dans les affaires de famille de son patient. » Aucune des deux parties ne touchera d’argent pour ses frais de justice, a-t-elle aussi fait savoir.
Le contentieux entre les deux juristes n’est toutefois pas terminé : Stéphan XXX a aussi introduit une « plainte déontologique » contre sa « consœur du barreau d’Angers » qui défend son ex-femme pour avoir « entendu irrégulièrement » leur fils de 11 ans, avait-il fait savoir lors de l’audience publique./GF