Cholet
La « situation catastrophique » des élus de Cholet privés d’indemnités pourrait bien perdurer
La préfecture de Maine-et-Loire a demandé au tribunal administratif de Nantes, ce mercredi 20 septembre 2023, d’annuler la nouvelle délibération du conseil municipal de Cholet (Maine-et-Loire) censée « régulariser » la question des indemnités de ses élus.
Pour rappel, le même tribunal administratif de Nantes avait en effet annulé une première délibération le 11 novembre 2022, à la demande des élus d’opposition « Cholet Autrement ».
Le maire Gilles Bourdouleix et sa nouvelle équipe municipale issue des élections municipales organisées en septembre 2021 – après l’annulation du scrutin de 2020 par le Conseil d’Etat – avaient donc voté le 5 décembre 2022 une nouvelle délibération pour « régulariser » a posteriori la légalité des indemnités déjà versées aux élus choletais depuis juillet 2020.
Saisie cette fois-ci par le préfet de Maine-et-Loire, la juge des référés du même tribunal administratif de Nantes avait alors immédiatement suspendu les effets de cette seconde délibération, dans une ordonnance en date du 29 décembre 2022.
LES INDEMNITES D’ELUS NE SONT « PAS UN DROIT »
« La délibération (…) du 5 décembre 2022 a pour objet d’allouer des indemnités aux maire, maire-délégué, adjoints et conseillers délégués au titre d’une période antérieure à son adoption », expliquait alors déjà la magistrate.
« Dès lors que les fonctions d’élus sont en principe gratuites (…) et que les indemnités ne constituent pas un droit, à l’exception de celles versées au maire (…), le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs est (…) de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération », détaillait la juge.
Ce mercredi 20 septembre 2023, lors du réexamen de l’affaire sur le fond par une formation collégiale de trois juges, le rapporteur public a proposé au tribunal administratif de Nantes d’enfoncer le clou en s’appuyant sur le même article du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatif au principe de « gratuité » des fonctions d’élu municipal.
Le magistrat – dont les avis sont souvent suivis par les juges – a aussi fait valoir que la seconde délibération du conseil municipal de Cholet était « privée de base légale » puisque le tribunal l’avait annulée dans son jugement de novembre 2022.
LES CONSEQUENCES AVAIENT POURTANT ETE « EXPLICITEES » DANS LE PRECEDENT JUGEMENT
« Vous avez explicité les conséquences d’une telle décision en précisant bien que cela impliquait le reversement des sommes indûment touchées et que cette illégalité ne pouvait être régularisée », a souligné le rapporteur public.
Il a aussi confirmé que cette délibération était contraire au « principe de non-rétroactivité » des décisions administratives, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas être prises pour une période antérieure à leur édiction. Or, quand une décision est annulée par un tribunal, elle a « disparu de l’ordonnancement juridique », c’est-à-dire qu’elle n’a « jamais existé ».
Le représentant de la préfecture de Maine-et-Loire, qui avait fait le déplacement à l’audience, a dit simplement « rejoindre » les conclusions du rapporteur public.
De son côté, pour sa défense, la ville de Cholet met en avant le « droit des élus de percevoir une indemnité » et son souci de « régulariser » la situation de ses conseillers municipaux.
UNE SITUATION « ASSEZ CATASTROPHIQUE » ET « ASSEZ UBUESQUE »
Son avocate a ainsi rappelé « le contexte » dans lequel cette délibération a été votée : elle n’a pas été adoptée en « méconnaissance » du jugement du tribunal mais juste pour « corriger et reconnaître les erreurs » de la première.
« La situation est assez catastrophique et assez ubuesque : pour remplir leur mission, ces élus se sont mis en disponibilité, à temps partiel ou ont fait des sacrifices à titre personnel en termes de garde d’enfants car ils comptaient sur ces indemnités », a expliqué Me Aurélie Blin (Lex Publica).
« Cette décision créé une insécurité juridique et est particulièrement injuste : on vient balayer d’un revers de main leur investissement dans la chose publique et pour l’intérêt général », a regretté l’avocate de la ville de Cholet. « C’est comme si on déconsidérait leur investissement et qu’on en faisait fi… »
« C’est juste une erreur sur la méthodologie de calcul, et non le montant : une délibération pour les années postérieures a été co-écrite avec les services de la préfecture et on arrive au même montant », a-t-elle d’ailleurs ajouté.
Le tribunal administratif de Nantes, qui doit rendre son jugement le 18 octobre 2023, n’en a pas fini avec ce contentieux : Me Aurélie Blin a d’ores et déjà annoncé que de « nombreux » élus concernés par cette décision « inéquitable » avaient contesté en justice les « titres exécutoires » qui avaient été émis pour les obliger à rembourser les sommes./GF (PressPepper)