Cholet

L’affaire des indemnités de fonction des élus de Cholet revient sur la table judiciaire

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Capture vidéo- Gilles Bourdouleix, Maire de Cholet

La cour administrative d’appel de Nantes s’est repenchée ce mardi 30 janvier 2024 sur la situation « catastrophique » et « assez ubuesque » des élus de Cholet (Maine-et-Loire), sommés de rembourser les indemnités de fonction qu’ils ont touchées entre les élections municipales de 2020 et celles organisées dix-huit mois plus tard après l’annulation du scrutin par le Conseil d’Etat.

Pour rappel, dans cette affaire, le tribunal administratif de Nantes avait annulé une première délibération sur le sujet en novembre 2022, à la demande des élus d’opposition « Cholet Autrement ». Une seconde, censée « régulariser » le problème, avait subi le même sort le 18 octobre 2023.

« Les élus ne sauraient se prévaloir d’un droit au versement d’indemnités de fonctions, celles-ci étant en principe gratuites », avait rappelé le tribunal administratif de Nantes dans son second jugement. « Eu égard au principe de non-rétroactivité des actes administratifs (…), une délibération ne peut décider le versement d’indemnités (…) que pour l’avenir. »

« La question de la rémunération des élus présente des enjeux sensibles en matière de fonctionnement de la démocratie et des institutions républicaines », a commencé par convenir la rapporteure publique, ce mardi 30 janvier 2024, devant la cour administrative d’appel de Nantes. Au vu des « exigences de probité » qui pèsent sur les élus, leurs mandats « ne sauraient être assimilés à un emploi rémunéré ».

LES INDEMNITES DU PREMIER ADJOINT AVAIENT BIEN UN « CARACTERE EXCESSIF »

Une « logique de compensation » avec « un encadrement » a toutefois été prévue par la loi pour récompenser ces « fonctions exigeantes » qui « ne permettent pas toujours l’exercice en parallèle d’une activité professionnelle ».

En l’occurrence, dans ce dossier, la magistrate a rappelé que l’opposition municipale au maire de Cholet Gilles Bourdouleix avait saisi le préfet de Maine-et-Loire le 26 juillet 2020, peu de temps après le vote de la première délibération, pour faire abroger la délibération au titre du « contrôle de légalité » des services de l’Etat. Mais la demande avait été « implicitement rejetée » faute d’avoir reçu une réponse ; Anne Hardy et les autres élus de « Cholet Autrement » avaient donc saisi directement le tribunal administratif de Nantes, qui leur avait donné raison.

La rapporteure publique de la cour administrative d’appel a conclu pour sa part à une « irrégularité partielle » de ce jugement de première instance au vu de son « insuffisance de motivation », ce qui constitue la première des deux « erreurs de droit » pointées par la ville de Cholet.

Mais la seconde « erreur de droit » relevée par Gilles Bourdouleix et sa majorité ne l’a en revanche pas convaincue : les indemnités versées au premier adjoint au maire avaient bel et bien un « caractère excessif ». Or, la délibération ayant « un caractère indivisible », son annulation « implique bien le reversement des indemnités » en jeu. La « bonne foi » alléguée des élus est « sans incidence » sur ce point, a-t-elle pris soin de préciser.

UNE « COMPENSATION » TOUJOURS POSSIBLE, SELON LA RAPPORTEURE PUBLIQUE

« Nous comprenons bien la difficulté qui se pose à eux, mais rien ne s’oppose à ce qu’ils reçoivent une compensation sur le terrain indemnitaire », a précisé la rapporteure publique. Dans l’immédiat, elle a donc proposé aux juges de donner trois mois à la ville pour récupérer ces sommes.

L’avocate de la ville a d’abord dit « prendre note avec satisfaction » que la magistrate la suivait sur la première « erreur de droit » du tribunal administratif, mais a « adopté une position différente » sur les indemnités versées au premier adjoint de Gilles Bourdouleix : elles « n’excèdent pas les plafonds admissibles » et ont fait « l’objet d’une attention toute particulière des services de la préfecture ». En tout état de cause, elles constituent un élément « tout à fait divisible » du reste de la délibération et ne devraient pas entraîner l’annulation totale de la décision.

« Exiger une restitution intégrale [aux autres élus, ndlr] est particulièrement inéquitable », a insisté Me Aurélie Blin (Lex Publica). « Vous devez limiter cette mesure d’injonction au seul premier adjoint. » Elle a rappelé que les élus étaient « des personnes investies dans la chose publique », qui se sont « mises en disponibilité » de la fonction publique pour certaines, « à temps partiel » pour d’autres ou ont encore « pris des solutions de garde d’enfants ». « Aujourd’hui, elles ne peuvent revenir en arrière », a-t-elle souligné pour inviter la cour à « statuer en équité ».

« Ce reversement n’a pas lieu d’être », a conclu Me Aurélie Blin. « Je vous demande de clore définitivement ce dossier, dans un souci de bonne administration de la justice. »

UNE « BONNE FOI » QUI EST « LARGEMENT CONTREDITE » PAR LES PIECES DU DOSSIER

« Quoi qu’en disent [la ville de Cholet et les élus de la majorité] ces indemnités excèdent très largement les plafonds admissibles », a répliqué l’avocate des élus d’opposition. « Aucune pièce » du dossier ne vient par ailleurs confirmer les « affirmations pures et simples » de la ville de Cholet, selon lesquelles le montant de ces indemnités aurait été arrêté après « un prétendu travail avec les services de la sous-préfecture ».

L’équipe du maire Gilles Bourdouleix a par ailleurs commis une erreur juridique, de son point de vue, en adoptant « une seule délibération » alors qu’elle aurait pu la « scinder si elle avait suivi les préconisations du préfet ». « La ville ne se serait pas exposée aux risques qu’elle encourt aujourd’hui », est convaincue l’avocate de la liste « Cholet Autrement ».

La « bonne foi prétendue » des conseillers municipaux de la majorité est par ailleurs « largement contredite » par les pièces du dossier. « Les élus d’opposition avaient à l’époque immédiatement indiqué qu’ils avaient de forts doutes sur sa légalité », a rappelé l’avocate aux juges. « Les conseillers municipaux étaient donc largement informés de l’illégalité de cette délibération, mais l’ont votée en toute connaissance de cause. »

Elle a dans ces conditions demandé à la cour administrative d’appel de condamner la ville à verser 4.000 € de frais de justice à ses clients, et que l’adjointe au maire de Cholet en charge de la solidarité paye 3.000 € pour le même motif : Laurence Texereau a fait appel du jugement à titre individuel. Mais « elle a arrêté de travailler pour s’investir pleinement dans ses fonctions d’adjointe », a objecté l’avocat de cette dernière.

TROIS « CONTRIBUABLES » CONNUS LOCALEMENT

Trois particuliers se sont par ailleurs joints à la requête en qualité de « contribuables », pour que la ville exécute pleinement le jugement de première instance : l’opposant Jean-Michel Debarre et les élus de la seconde liste d’opposition « Naturellement Cholet » Murielle Courtay et Franck Loiseau. « L’outrance » du maire après l’introduction du recours en justice témoigne de l’absence de « bonne foi » chez les élus de la majorité, selon leur avocat. « La délibération n’a même pas été corrigée entre-temps, ce qui aurait pu limiter l’ampleur du sinistre. »

Il a pour sa part demandé aux juges d’appel d’être « extrêmement clairs » dans la motivation de leur arrêt sur les modalités de calcul de ces indemnités de fonction « pour qu’il n’y ait plus de silences et d’ombres » dans ce dossier.

Dans ce second volet du litige, la rapporteure publique a confirmé que le maire de Cholet n’a « pas pleinement exécuté » le jugement de première instance : « 694.000 € » doivent être récupérés, selon ses calculs, alors que Gilles Bourdouleix a chiffré ce montant à « 443.000 € ». Elle a donc proposé aux juges de lui « enjoindre de justifier » sous trois mois que les 443.000 € qu’il demandés  « correspondent bien » aux sommes en jeu, ou bien alors d’émettre des « titres exécutoires complémentaires » pour récupérer l’argent manquant auprès des élus de sa majorité.

Sur ce point, l’avocat de Jean-Michel Debarre, Murielle Courtay et Franck Loiseau a confirmé qu’il y avait là « un différentiel pas expliqué ». Sa consœur en charge de la défense de la ville a trouvé, au contraire, qu’il n’avait « pas d’incohérence » et que « le préfet en a attesté ». La cour administrative d’appel de Nantes, qui a mis ses deux décisions en délibéré, rendra ses arrêts dans trois semaines./GF 

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