Justice
Le « libre penseur » de Muret qui voulait occulter son nom dans un journal d’Angers débouté au nom de la « liberté d’information »

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a débouté au nom de la « liberté d’information » et de la « publicité » des décisions de justice un retraité de Muret (Haute-Garonne) qui voulait occulter son nom dans un journal d’Angers (Maine-et-Loire) après qu’il ait perdu un procès.
Cet ancien président de la fédération départementale de la Libre Pensée de Maine-et-Loire – une association liée à la franc-maçonnerie qui assimile les religions aux « pires obstacles à l’émancipation de la pensée » – voulait en fait initialement que le diocèse d’Angers efface son nom du registre des baptêmes au nom de la « protection des données personnelles ».
Le Conseil d’Etat avait alors désavoué cet ancien habitant de Trélazé (Maine-et-Loire), connu dans la région d’Angers pour s’être déjà exprimé dans la presse locale en 2018 suite à la volonté du gouvernement d’amender la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.
Cette décision de « portée importante », qui avait intégré la « base de jurisprudence » du Conseil d’Etat, avait aussitôt été commentée par les avocats en droit public. « Il est loisible à un catholique (…) de demander à se faire « débaptiser », mais, du point de vue de l’Eglise, un baptême ne peut s’effacer », avait résumé le « blog juridique du monde public » d’Eric Landot.
LE RETRAITE INVOQUAIT LE « DROIT AU SECRET » DE SON NOM
En attendant, Michel Godicheau n’avait pas apprécié de voir son nom cité dans Angers Info, ni par l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs Actuelles qui avait repris l’information du média angevin. Désormais installé à Muret, près de Toulouse, le « libre penseur » avait donc attaqué les directeurs des deux publications devant le tribunal judiciaire de Toulouse. Le média angevin était défendu par Maitre Laurent de Caunes à Toulouse.
« M. Godicheau revendique le droit au secret de son nom et invoque une atteinte disproportionnée à l’intimité de sa vie privée », résume le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse dans une ordonnance en date du 18 octobre 2024.
Reste que « les jugements sont publics » et « les noms et prénoms des personnes physiques mentionnées dans le jugement (…) sont occultés préalablement à la mise à disposition du public », prévoit le code de justice administrative (CJA). « Par dérogation, (…) le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel, décider que l’audience aura lieu (…) hors la présence du public si la sauvegarde de l’ordre public ou le respect de l’intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l’exige. »
En l’occurrence, dans cette affaire, « ces articles de presse concernent l’instance qu’il avait initiée devant le Conseil d’Etat », fait observer le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse. Or « les débats devant le Conseil d’Etat se sont tenus en audience publique et la décision a été rendue publiquement », rappelle le magistrat. « Il n’a pas été fait dérogation à la publicité des débats par le président de la formation de jugement et il ne ressort pas (…) de cette décision qu’il le lui avait été demandé par M. Michel Godicheau et son conseil. »
UN ARRET DEJA « DISPONIBLE SUR INTERNET »
« Par principe, les faits ayant donné lieu à une décision judiciaire publique échappent donc à la sphère de protection de la vie privée », rappelle encore une fois le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse. Ce principe a d’ailleurs été « renforcé » par la loi du 7 octobre 2016 « pour une République numérique », souligne le magistrat.
« Les jugements sont mis à disposition du public à titre gratuit, dans le respect de la vie privée des personnes concernées », dit la loi. « Cette mise à disposition du public est précédée d’une analyse du risque de ré-identification des personnes. »
« En l’espèce, compte tenu de la publicité déjà donnée à l’arrêt du Conseil d’Etat (…), disponible notamment sur internet en vertu de la volonté du législateur de mettre à disposition du public l’ensemble des décisions de justice en open data, M. Michel Godicheau (…) ne rapporte pas la preuve d’un trouble manifestement illicite qui constituerait une atteinte disproportionnée au respect dû à sa vie privée, qui justifierait une atteinte au principe de la liberté d’information et qui légitimerait le retrait (…) de la mention de son nom », note le juge.
Le magistrat fait « au surplus » remarquer que le retraité de Muret « n’a pas davantage sollicité » de sa part que sa propre audience se tienne à huis clos… « Cela revient implicitement à considérer que la publicité des débats n’a pas pu porter une atteinte à l’intimité de sa vie privée, alors que les informations dévoilées lors des débats n’ont pas été différentes de celles contenues dans les articles de presse litigieux », en déduit-il. Le retraité, qui a été condamné à payer 1.500 € de frais de justice à chacun des deux journaux, n’a pas fait appel et cette ordonnance est à présent définitive./GF (PressPepper)