Justice
Le « désastre ambulant » de la fourrière d’Angers visé par une nouvelle sanction disciplinaire

L’employé de la fourrière municipale d’Angers (Maine-et-Loire) qui était parvenu il y a deux mois à faire suspendre la sanction disciplinaire dont il avait fait l’objet a demandé ce jeudi 16 janvier 2025 au tribunal administratif de Nantes de suspendre une nouvelle sanction prise à son encontre par le maire (Horizons) Christophe Béchu.
Pour rappel Abdelhadi XXX avait d’abord été visé par une exclusion de fonctions de deux ans en septembre 2024 mais le juge des référés du même tribunal administratif de Nantes avait suspendu la décision le 20 novembre 2024 : la décision avait « pour effet de placer M. XXX (…) dans une situation financière précaire au regard des charges qu’il ne peut honorer et dont il établit l’existence, alors même qu’il est père de trois enfants mineurs », justifiait-il.
Sitôt l’ordonnance du juge rendue, sans attendre le réexamen de l’affaire par une formation collégiale de trois juges d’ici dix-huit mois à deux ans, la ville d’Angers avait donc pris une nouvelle décision le 2 décembre 2024, se conformant cette fois-ci à l’avis du conseil de discipline : la sanction avait été ramenée à un an de suspension ferme et un an avec sursis.
Cela avair donc poussé l’intéressé à saisir de nouveau le même juge des référés au vu de sa « grande situation de précarité », selon son avocate, puisque son épouse « ne travaille pas », qu’il a à présent « des dettes de loyers » et qu’il a reçu « une mise en demeure du Centre communal d’action sociale d’Angers » en ce sens, selon son avocate.
ON ENTEND LA COMPTABLE « HURLER » ET « FRAPPER TRES FORT SUR SON BUREAU »
« L’élément déclencheur » de ces deux sanctions successives réside en fait dans « la prise de bec » qu’Abdelhadi XXX a eue en mars 2024 avec la comptable de la fourrière d’Angers, où il est agent « en bas de l’échelon »: dans cette « violente agression de vingt minutes » où il aurait fait preuve « d’une agressivité et d’une colère sans limite » d’après la ville d’Angers, il avait traité de « cafard » sa collègue et lui avait tenu des propos « déplacés » qu’il « regrette » toujours, selon son avocate.
La réalité de cette « altercation » avait pu être établie par un enregistrement audio fait par la comptable elle-même. La ville d’Angers a « retranscrit les trois premières minutes », a noté l’avocate de l’agent, mais elle « se garde bien » d’en faire de même avec « les dix-sept minutes restantes » où on entend la comptable « hurler » et « frapper très fort sur son bureau ». Ses « propos quasi-provocateurs » lui laissent à penser qu’elle a voulu « mettre en tort » son client et qu’elle n’est pas du tout « effrayée » et « abasourdie » comme le soutient la mairie.
« On n’a pas le grand méchant loup d’un côté et la gentille petite brebis de l’autre », a donc résumé l’avocate d’Abdelhadi XXX. Dans son enregistrement, la comptable de la fourrière municipale se montre d’ailleurs « méprisante » à l’égard de cet homme « agréable », qui venait d’être titularisé dans la fonction publique territoriale sept mois plus tôt.
Mais au-delà de cet « élément déclencheur » que constitue cette « prise de bec », d’autres reproches sont faits à son client : cet agent qu’elle décrit comme « méthodique » aurait oublié d’encaisser les 134,11 € dus par un usager et aurait fait « un faux bordereau » pour « dissimuler son erreur », selon la ville. L‘équipe comptable et le trésorier municipal avaient ainsi « travaillé onze jours » en vain pour trouver l’origine du trou. L’agent de la fourrière aurait aussi « abandonné » son poste un samedi matin en se faisant remplacer par un collègue « pour emmener son fils au foot » et aurait eu recours au « service du courrier » municipal pour ne pas payer des courriers en recommandé pour contester des contraventions personnelles.
IL A « TRAITE SES RESPONSABLES DE RACISTES »
« En clair on a des accusations mensongères, invérifiables ou sur des faits anodins pour gonfler artificiellement un dossier disciplinaire assez faible », a résumé l’avocate d’ Abdelhadi XXX. « On est loin du désastre ambulant qu’on essaie de nous présenter… S’il peut avoir un langage inadapté en milieu professionnel, aujourd’hui il a compris la leçon : cela fait sept mois qu’il ne travaille plus. Maintenant, il veut juste retourner travailler, dans un autre service. »
L’avocat de la ville d’Angers s’est dit lui « un petit peu consterné » par les propos de sa consœur à propos de ce client qui « serait victime d’une sorte de complot ». « Ce n’est pas par gaîté de cœur que la ville a pris une telle sanction : elle a du mal à recruter pour la fourrière et cela ne l’arrange pas du tout de se priver d’un agent pour un an », a certifié Me Eric Boucher.
C’est ainsi grâce à ce contexte favorable que Abdelhadi XXX avait pu être titularisé dans la fonction publique territoriale en dépit de premiers « doutes » de sa hiérarchie et des « inquiétudes sur sa probité » quand il n’était encore que contractuel ou fonctionnaire « stagiaire ». « Comme globalement il fait correctement son travail, on est passés outre », a expliqué l’avocat de la ville. Par ailleurs, après son « agression violente » de la comptable de la fourrière, l’intéressé avait « traité ses responsables de racistes » avant de « se mettre en arrêt » et ne s’était « pas présenté » devant la commission de discipline qui l’avait convoqué pour statuer sur la première sanction prise à son encontre.
« Depuis qu’il est fonctionnaire il croit qu’il ne risque plus rien », a résumé Me Eric Boucher. « Quand il appris que sa hiérarchie avait consulté la vidéosurveillance après qu’il ait pointé avec 36 minutes de retard, il a dit qu’il voulait porter plainte car il était harcelé : il se sentait traité comme un étranger du fait qu’il était marocain, et que sa responsable le considérait donc comme un voleur… » Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son ordonnance dans les prochains jours./GF