Justice
Le « Cartel des camions » dont SCANIA, en passe d’écraser les requêtes des préfets de Loire-Atlantique et Maine-et-Loire

Les deux préfets de la Loire-Atlantique et de Maine-et-Loire ont demandé au tribunal administratif de Nantes, ce mercredi 28 mai 2025, de condamner les entreprises membres du « Cartel des camions » à les indemniser des « préjudices » qu’auraient subis leurs services.
Les groupes Man, Mercedes, Stellantis (ex-Peugeot), Iveco, Volvo, Renault Trucks, Scania, Paccar et sa filiale DAF et CNH Industrial (ex-Fiat) s’étaient vu réclamer en juillet 2021 plus de 235.000 € par le préfet de la Loire-Atlantique de l’époque, Didier Martin. Son homologue de Maine-et-Loire, Pierre Ory, avait fait de même pour une somme plus modeste de 17.000 €.
Pour rappel, « plusieurs constructeurs de camions » avaient été épinglés par la Commission européenne pour leur « entente » secrète « consistant à la fixation des prix » et qui s’était faite au détriment des « acheteurs d’utilitaires et de poids lourds » a rappelé le rapporteur public en préambule de l’audience. « Plusieurs préfets » en France avaient alors « demandé l’indemnisation des surcoûts » engendrés par ce « Cartel des camions » : ils étaient évalués à « 30 % ».
Le tribunal administratif de Grenoble avait été désigné « pilote » de ce dossier pour les juridictions administratives : le préfet de l’Isère avait réclamé pour sa part 1,5 million d’euros de dédommagements aux constructeurs de camions. Mais sa requête avait été rejetée, dans un jugement rendu le 12 mars 2024.
« C’EST LA QUE CA COINCE »
Ce mercredi 28 mai 2025, le rapporteur public a proposé au tribunal administratif de Nantes d’opter pour la même solution : le magistrat, dont les avis sont souvent suivis par les juges, a d’abord commencé par dire qu’il était « embêté » par une « fin de non-recevoir » opposée par les entreprises à la requête des deux préfets. Ces deux derniers n’ont en effet produit « aucun justificatif d’une quelconque délégation » de la part de leur ministre de tutelle pour introduire de tels recours…
Toutefois, « pour une bonne administration de la justice », le rapporteur public a préconisé de débouter les deux représentants de l’Etat non pas pour cette question de forme mais plutôt « sur le fond » de leurs dossiers : « aucune pièce comptable » n’a été produite par le préfet de la Loire-Atlantique pour établir l’étendue de ses « préjudices », hormis « un tableau Excel » confectionné par ses propres agents. Le préfet de Maine-et-Loire, quant à lui, « ne produit rien ». « C’est là que ça coince », a-t-il tranché pour conclure au rejet de ces requêtes.
« Ce tableau purement déclaratif a été établi par la requérante elle-même et ne remplit pas les standards de preuves habituels », a abondé l’avocat des constructeurs CNH Industrial, Stellantis et Iveco à propos du tableau Excel de la préfecture de la Loire-Atlantique. « Aucune pièce justificative » n’a été produite par son homologue de Maine-et-Loire, a-t-il répété à son tour. « Elle se contente de dire qu’elle a acheté deux véhicules, sans même préciser les marques. »
« Le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas fait l’effort de réunir des éléments comptables », a appuyé sa consœur en charge de la défense des intérêts des groupes Renault et Volvo. Un manque de preuves qui se ressent encore plus « particulièrement en Maine-et-Loire ». Les deux préfectures n’étaient quant à elles ni présentes ni représentées par un avocat à l’audience. Le tribunal administratif de Nantes rendra son jugement « dans trois semaines »./GF