Angers

Précarité étudiante à Angers : « Je survis, je ne vis pas »

Publié

le

Cette jeune étudiante s’est retrouvé en situation de précarité quand elle a dû s’installer toute seule pour ses études, il y a plus d’un an.

Face à une inflation persistante, des revenus insuffisants et des aides limitées, de plus en plus d’étudiants se retrouvent en situation de grande précarité. À Angers, le phénomène s’intensifie malgré les nombreuses aides apportées par la ville, comme en témoignent les chiffres… et les visages.

La précarité étudiante explose

Depuis la rentrée 2024, l’association COP1 Angers tire la sonnette d’alarme : la précarité étudiante s’intensifie. En quelques mois, le nombre de paniers alimentaires distribués est passé de 100 , en 2021, à 300 par semaine, en 2024. Un triplement qui illustre une hausse massive des besoins. En mars 2025, une distribution a rassemblé jusqu’à 400 étudiants, soit 150 de plus que l’année précédente, d’après RCF, durant une distribution de paniers réalisée par COP1.

Les demandes sont si nombreuses que les créneaux pour récupérer un panier se remplissent en trois minutes. Pourtant, près de 70 % des bénéficiaires ne sont pas boursiers, selon RCF. Cela révèle que la pauvreté touche aussi ceux qui sont considérés comme « hors critères sociaux ».

« Je n’ai pas les moyens de vivre correctement »

Parmi ces visages invisibles, celui d’une jeune femme de 18 ans, étudiante en alternance en BP à Angers. Elle préfère rester anonyme. Elle travaille 35 heures par semaine, cinq jours sur sept, tout en suivant ses cours. Son revenu mensuel est bien inférieur à 1 000 euros. Pour pouvoir s’en sortir, elle effectue chaque week-end des heures supplémentaires non déclarées chez un particulier.

« Je travaille chez un particulier en dehors de mes études pour m’en sortir », confie-t-elle simplement. Elle n’a pas souhaité s’éterniser sur le sujet.

Elle vit seule dans un petit studio de tout juste 15 m², en centre-ville d’Angers, loué 540 euros par mois. Ce choix n’est pas un confort, mais une nécessité : elle ne peut pas s’offrir une voiture. Elle se déplace donc à pied ou en trottinette, malgré le danger. « Je fais attention quand j’arrive en fin de mois, sinon je n’arrive pas à vivre bien. »

Manger une fois par jour

Au quotidien, la jeune femme rogne sur tout. « Je prends toujours le moins cher possible » pour ses courses. À la fin du mois, il lui reste à peine 100 euros, souvent moins. Elle ne mange parfois qu’un repas par jour, faute de moyens.

Elle bénéficie d’APL, mais cela ne suffit pas. Aller chez le médecin est une autre épreuve. « Je n’ai pas le temps de me déplacer chez le médecin, et comme je n’ai pas de voiture, c’est compliqué. Mon généraliste n’est pas dans la ville. »

L’isolement est aussi psychologique. Bien qu’elle sache que des associations comme J Angers connectée jeunesse pourraient l’aider, elle n’ose pas y aller. « Je ne me sens pas d’aller à des associations pour acheter moins cher, je n’ai pas envie d’y être vue. » Elle ne reçoit aucune aide de sa famille et ne peut compter que très rarement sur sa belle-sœur en cas d’urgence.

Concentration, stress et fatigue

Sa situation affecte directement ses études. « Je suis tout le temps déconcentrée, mais c’est aussi dans ma nature », glisse-t-elle. Elle ne se dit pas très scolaire, mais aime travailler. Pourtant, malgré sa motivation, elle n’a pas le temps de prendre un autre emploi pour gagner davantage. « Je ne suis pas très stressée, mais je fais très attention avec mon argent », explique-t-elle encore. Quant aux transports, ils sont souvent trop chers pour son budget.

Un phénomène national alarmant

À l’échelle nationale, l’étude de l’association Linkee réalisée auprès de 22 000 étudiants dresse un tableau tout aussi préoccupant : 78 % d’entre eux disposent de moins de 100 € par mois pour vivre après avoir payé leur loyer. 51 % ont moins de 50 € pour couvrir leurs besoins essentiels. 97 % des bénéficiaires de l’aide alimentaire vivent sous le seuil de pauvreté. Pire encore, 1 étudiant sur 10 a dormi dans la rue ou dans sa voiture au cours de l’année écoulée.

En parallèle, les femmes sont particulièrement touchées, représentant 55,3 % des bénéficiaires. L’inflation pousse 53 % des étudiants à changer leurs habitudes alimentaires, et près de la moitié ont commencé à solliciter l’aide alimentaire. Enfin, 62 % sautent régulièrement des repas, et 30 % se privent d’au moins quatre repas par semaine.

La précarité étudiante n’est plus marginale. Elle s’installe, s’étend, et pousse des jeunes comme cette étudiante d’Angers à se battre quotidiennement pour simplement tenir le mois. Derrière les statistiques, ce sont des vies suspendues, entre études, travail, et survie.

Simon Apokourastos

Continuer à lire
Cliquer pour commmenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

9 + 1 =

Copyright © Angers Info 2025 Landes Info Vendée info