Justice
Un cycliste devenu tétraplégique après une chute en vélo à Angers se retourne contre la Ville d’Angers et le Département de Maine-et-Loire

Un quinquagénaire « resté tétraplégique » après une chute en vélo sur la promenade de Reculée à Angers (Maine-et-Loire) le 21 mai 2020 a demandé au tribunal administratif de Nantes, ce mardi 25 juin 2024, de condamner la ville d’Angers, le Département de Maine-et-Loire et/ou Voies Navigables de France (VNF) à lui verser une première « provision » de 200.000 € sur les sommes qu’il compte leur réclamer ultérieurement pour ses divers préjudices.
François XXX – alors âgé de 55 ans – avait en effet fait une « chute accidentelle » sur les bords de la Maine après avoir heurté « une chaîne » qui traversait la chaussée à « à 30 cm » du sol, a-t-il été expliqué à l’audience. Il est donc « resté tétraplégique » et compte engager la responsabilité du maire d’Angers pour sa « carence » dans ses « pouvoirs de police ».
Mais une « première question » doit être tranchée et elle n’est « pas évidente », a prévenu le rapporteur public, « comme en témoignent les longs développements » des protagonistes du dossier dans leurs écritures respectives : il s’agit de savoir « à qui appartient » l’endroit où a chuté le requérant.
La ville d’Angers a pour sa part produit « une carte d’état-major de 1820 » et « une photo du début du XXe siècle » qui laissent à penser que « ce qu’elle appelle un chemin de halage » était « historiquement utilisé pour les besoins de la navigation » fluviale. Cela reviendrait donc à dire que ce « chemin de halage » est la propriété du Département de Maine-et-Loire, selon elle : c’est à lui qu’appartient le « domaine public fluvial ».
LA « CIRCONSTANCE AGGRAVANTE » QUI ENFONCE LE DEPARTEMENT
Après avoir d’abord lu « une liste de textes un peu rébarbative » pour « cadrer juridiquement le litige », le magistrat a ensuite cité un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy qui concernait la « chute fatale » d’un cycliste décédé à Lutzelbourg (Moselle) en longeant le canal entre la Marne et le Rhin.
Dans le dossier du cycliste devenu tétraplégique à Angers, le rapporteur public a estimé au final que « rien ne permet d’exclure » que la propriété du chemin aurait été « transférée au Département ». « Cela vous fera pencher pour une propriété départementale », a-t-il reformulé en d’autres termes.
La seconde « question » à laquelle les juges devront répondre est de savoir si le maire d’Angers de l’époque, Christophe Béchu (Horizons), a fait preuve de « carence » dans ses « pouvoirs de police » en ne faisant pas dégager cet « obstacle occasionnel » de la chaussée départementale : cette chaîne avait été déployée dans le cadre de « l’amarrage sauvage » d’une « barque » dont le propriétaire « n’a pas pu être retrouvé ». La plainte pénale qui avait été déposée par l’épouse de François XXX a ainsi été classée « sans suites » par le parquet d’Angers.
« Il semblerait que ce soit une pratique habituelle… Circonstance aggravante : des anneaux ont vraisemblablement été installés par le Département », a fait observer le rapporteur public. « Or, le risque de chute était réel et s’est d’ailleurs concrétisé. Le Département est donc responsable du dommage subi, et nous ne pensons pas que le maire a failli dans ses pouvoirs de police sur cette voirie, fusse-t-elle départementale : il n’est pas établi que cela ait été porté à sa connaissance. Et il appartient surtout au Département d’assurer une gestion sécurisée du domaine public fluvial. »
« LA MAINE DEBORDE TRES REGULIEREMENT SUR CE CHEMIN »
En tout état de cause, le magistrat a exclu toute « imprudence » du requérant : François XXX « portait un casque » « et roulait à une « vitesse adaptée » le jour de son accident, survenu « une dizaine de jours après la fin du confinement ». « Il ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce qu’une chaîne lui barre la route », a souligné le magistrat nantais.
Il a donc conclu à ce que le Département de Maine-et-Loire soit déclaré « responsable » de ses dommages, qu’une expertise soit ordonnée pour chiffrer les préjudices et que la collectivité lui verse une première « provision » de 20.000 €. L’intéressé n’était ni présent ni représenté par un avocat à l’audience ; l’avocate du Département, elle, s’est dite « très surprise » par les conclusions du rapporteur public. « A cet endroit, il n’y a pas de quai, pas de cale… Ce n’est donc pas un chemin de halage », a insisté Me Anaëlle Duneme (cabinet Philip).
« On est très au courant que la Maine déborde très régulièrement sur le chemin… Or, la propriété du domaine public fluvial s’arrête à la limite des plus hautes eaux », lui a répondu Me Aurélie Blin (Lex Publica), l’avocate de la ville d’Angers. Sa consœur a par la suite repris la parole pour certifier que le Département n’est « aucunement » à l’origine de la pose des anneaux ; en tout état de cause, ils sont « sans incidence » sur ce litige puisque la barque à l’origine de l’accident était « amarrée à un poteau installé par la commune » a-t-elle assuré.
« C’est un accident tragique, mais on ne peut exclure la faute du requérant : l’accident est survenu en plein jour, et il n’y avait pas d’obstacle visuel pour cacher cette chaîne », a-t-elle enfin ajouté. Le tribunal administratif de Nantes, qui a mis son jugement en délibéré, rendra sa décision dans un mois./GF