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Grogne des syndicats du CHU d’Angers. « Ce n’est pas un plan d’austérité, mais un plan de responsabilité », défend Arnaud Pouillart, directeur général adjoint.

Pour faire face à un déficit qui pourrait atteindre 8 millions d’euros en 2024, le CHU d’Angers lance un plan de redressement. La direction affirme vouloir préserver les soins et l’emploi, mais les syndicats dénoncent une pression croissante sur le personnel.
Alors que le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) d’Angers fait face à un déficit prévu de près de 8 millions d’euros en 2024, la direction met en œuvre un plan de redressement financier contesté. Objectif affiché : retrouver l’équilibre dès 2025, sans sacrifier l’investissement ni la qualité des soins.
Un plan « de responsabilité », pas d’austérité
Après une perte de 2,5 millions d’euros en 2023, le CHU s’est engagé dans un plan de performance financière, que la direction qualifie de « responsable ». « Ce n’est pas un plan d’austérité, mais un plan de responsabilité », défend Arnaud Pouillart, directeur général adjoint, en soulignant que les mesures prises visent à garantir la pérennité de l’établissement.
Ce plan repose sur plusieurs axes : accompagner les restructurations d’envergure comme le programme Convergence (800 millions d’euros sur 15 ans), maintenir l’attractivité des carrières hospitalières, renforcer la recherche et l’innovation, optimiser la valorisation de l’activité médicale, et maîtriser les dépenses de fonctionnement.
Mieux facturer l’activité hospitalière
Parmi les leviers activés, la valorisation de l’activité médicale représente un potentiel de recettes supplémentaire, actuellement sous-exploité. Le CHU estime qu’en 2023, près de 9 millions d’euros ont échappé à la facturation en raison d’un codage insuffisamment précis des séjours hospitaliers. « C’est un point totalement occulté dans les échanges avec les organisations syndicales, mais c’est un levier important, et relativement indolore, pour corriger notre trajectoire financière », souligne Arnaud Pouillart.
Le mécanisme repose sur le classement de chaque séjour dans un groupe homogène de séjour (GHS), déterminé par un algorithme en fonction des diagnostics et des actes réalisés. En optimisant ce codage, le CHU espère récupérer 3 millions d’euros dès 2025.
Masse salariale : contenir sans réduire
Si la maîtrise de la masse salariale fait partie du plan, elle n’en constitue qu’un volet. « Les mesures de ralentissement de la croissance de la masse salariale représentent à peine un tiers de l’ensemble des actions que nous mettons en œuvre », précise Arnaud Pouillart. Il insiste : « Il ne s’agit pas de baisser les salaires, mais de ralentir leur croissance », en limitant l’augmentation annuelle à environ 3 %, contre près de 5 % l’an dernier.
Certaines prestations externalisées, comme la maintenance préventive, seront réinternalisées, dans une logique d’optimisation sans suppression de postes. La réduction de la durée moyenne de séjour est également identifiée comme un levier d’efficacité.
Tensions sociales sur les conditions de travail
Malgré ces précisions, le plan fait l’objet de fortes critiques de la part des syndicats. Ils craignent une détérioration des conditions de travail, en particulier pendant les périodes de tension estivale. « Moins de remplaçants, plus de pression sur les RTT, aucune garantie sur les renforts : c’est encore nous qui allons payer l’addition », déplore un représentant de la CGT.
La direction admet une gestion plus ciblée des remplacements, mais réfute toute logique de coupes aveugles. « Nous avons recruté en ciblant plus précisément les besoins. Si un service a besoin d’un aide-soignant en juillet mais pas en août, nous recrutons uniquement pour juillet. L’objectif est d’optimiser, pas de rogner », explique Clément Triballeau, directeur des ressources humaines.
Développement de l’ambulatoire
Le développement de l’activité ambulatoire constitue un autre axe du plan. Le CHU prévoit une hausse de 25 % de cette activité en 2025, dans le cadre de la réforme de la gradation. Il s’agit de transformer certaines consultations et actes en hospitalisation de jour. « Ce n’est pas une augmentation brute de l’activité, mais une reconfiguration, avec mobilisation partielle des personnels des consultations vers les unités d’hospitalisation de jour », précise Arnaud Pouillart.
Il assure que cette évolution s’accompagne de moyens adaptés : « Lorsque c’est justifié, cela s’accompagne aussi de créations de postes, validées avec les représentants du personnel. »
Un contexte national aggravant
Le déficit du CHU s’inscrit dans une tendance nationale qui touche l’ensemble des centres hospitaliers universitaires. Deux facteurs majeurs ont creusé les comptes en 2023 et 2024 : les mesures de revalorisation salariale post-COVID, insuffisamment compensées dans les financements, et l’inflation sur les postes énergétiques et pharmaceutiques. « Le déficit ne concerne pas uniquement Angers. Et dans la situation actuelle des finances publiques, il est peu probable que les compensations arrivent à l’euro près », reconnaît Arnaud Pouillart. « C’est pourquoi nous devons activer les leviers à notre disposition. »
Un potentiel de croissance malgré tout
Malgré les tensions, la direction se montre confiante quant aux perspectives du CHU. « Nous avons la chance de bénéficier d’une activité soutenue, portée par nos pôles hospitalo-universitaires, avec des projets de développement permanent », affirme le directeur général adjoint. Il en fait un atout structurel sur lequel s’appuyer pour traverser cette période difficile.